Sunday, October 14, 2007

Citation du 15 octobre 2007


L'oisiveté pèse aux races laborieuses. Ce fut un coup de maître de l'instinct anglais de faire du dimanche une journée si sainte et si ennuyeuse, que l'Anglais en vient, à son insu, à désirer le retour des jours de semaine et de travail.

Friedrich Nietzsche Par-delà le bien et le mal (1886)

Si nous laissons de côté la référence aux « races laborieuses », cette pensée est une pensée du lundi.

N’aimez-vous pas le lundi ? L’habitude est de faire du lundi la journée de la semaine la plus détestable, celle qu’il faudrait supprimer, parce qu’elle est celle du retour au travail. Tout comme certains croient utile de proposer de supprimer le fourgon de queue dans les trains, il faudrait que la semaine commence directement par le second jour. Nietzsche au contraire, nous dit : réjouissez-vous ! Dimanche est passé ; nous voici lundi.

En réalité on comprends que ce que vise Nietzsche, c’est l’ennui du dimanche (référence au Dimanche anglais), jour tout entier consacré au Seigneur, jour vide pour ceux qui n’ont pas de relation personnelle avec Lui.

Bref, si nous travaillions pour vivre, nous ne pourrions pas vivre sans travailler. Le travail nous guérit des maux de la macération psychologique (cf. Kant) ; il nous délivre de l’ennui. Mais puisque, sans l’ennui il n’est pas sûr que l’attrait du travail soit évident, alors il faut faire que cet ennui soit bien pesant et bien terne.

Or que voyons nous aujourd’hui ? La civilisation des loisirs et de l’entertainment bat son plein, et ce n’est sûrement pas l’ennui qui nous guette au sortir du travail.

Allez-vous en conclure que c’est une autre forme de plaisir qui vous pousse au travail ? Qu’à côté du divertissement il y a le plaisir sérieux de contribuer à l’essor de l’entreprise et à la réussite de votre mission ?

En réalité, vous le savez bien : tout comme l’homme préhistorique, c’est pour survivre que nous travaillons, et nullement pour chasser l’ennui, et encore moins pour le plaisir (1).

Et si nous avons déjà de quoi survivre, nous travaillerons pour gagner de quoi chasser l’ennui : l’entertainment est cher, très cher même.

En tout cas, Nietzsche a raison au moins lorsqu’il nous dit que l’ennui est invivable.


(1) Cf. Marx, Capital III, ch. 48 consultable ici.

2 comments:

jtouzalin said...

Bonjour,

Je viens de découvrir votre "blog" et j'apprecie surtout les analyses que vous faites à la suite des citations...
Puis-je me permettre de vous indiquer le site www.evene.fr et en inscrivant Touzalin, dans la case recherche, vous me trouverez.
J'écris des pièces de théâtre et je serais très honoré de figurer parmi "vos" auteurs.
Un petit tour sur mon site vous en dira plus. www.touzalin.com
Très cordialement. J Touzalin.

Jean-Pierre Hamel said...

Merci de votre message que je considère comme un encouragement flatteur.
Je ne manquerai pas de proposer une de vos citations, en ayant pour satisfaction supplémentaire d’avoir l’auteur pour dire ce qu’il en pense. Car habituellement, les auteurs de citations, que ce soit Montaigne ou Platon, ne prennent pas la peine de donner leur sentiment sur mes commentaires…