- Attention! J'ai le glaive vengeur et le bras séculier! L'aigle va fondre sur la vieille buse!... - Un peu chouette comme métaphore, non ? - C'est pas une métaphore, c'est une périphrase. - Fais pas chier!... - Ça, c'est une métaphore.
Michel Audiard - Faut pas prendre les Enfants du Bon Dieu pour des Canards sauvages (1968)
D’où vient l’effet comique de ce dialogue ? Audiard nous amuse-t-il en jouant avec des mots savants, histoire de nous décomplexer de ne pas savoir ce qu’ils signifient ? J’en doute.
Il s’agit plutôt pour lui de faire rire en manipulant les références rhétoriques, et pas seulement comme Molière dont le Bourgeois découvre qu’il parle en prose sans le savoir. C’est pour de bon (1). Ainsi, l’aigle existe vraiment, la buse aussi : ce ne sont pas des comparaisons, ce sont les personnages réels. « Je suis vraiment un aigle ; et l’autre est vraiment une vieille buse ». Surprise.
Mais alors, faisant mine de croire que nous pensions que tout fonctionne comme ça, il nous rassure : « Fais chier », ce n’est qu’une métaphore. Ouf !
Mais alors, pourquoi évoquer cette "opération excrémentielle" ? Dans un Post du 12 février 2007, nous avions déjà examiné l’origine sémantique des gros mots. S’agit-il du même mécanisme ?
L’emploi figuré de l’expression est des plus déroutant : je vous laisse le découvrir par vous mêmes (2). Tout se passe comme si le simple emploi de cette grossièreté se suffisait à lui même, le contexte se chargeant de lui donner un sens. Mais surtout, c’est un mot qui est employé pour un oui ou un non ; il revient tout le temps, dans toutes les circonstances.
Ça ne vous rappelle rien ? Mais oui ! La cour de la maternelle : les petits enfants crient les plus gros mots, si possible bien évocateurs (3) … Oui mais hors propos, comme si il s’agissait simplement de se faire plaisir en les prononçant.
Alors, voilà où je voulais en venir : le petit enfant que nous avons été n’était pas si pur ni si immaculé que ça. Et en plus il n’a pas disparu totalement en nous…
(1) Extrait de définitions (source TLF) :
Périphrase - RHÉT. Figure dans laquelle on substitue au terme propre et unique (mot usuel ou nom propre) une expression imagée ou descriptive qui le définit ou l'évoque.
Métaphore - RHÉT. Figure d'expression par laquelle on désigne une entité conceptuelle au moyen d'un terme qui, en langue, en signifie une autre en vertu d'une analogie entre les deux entités rapprochées et finalement fondues.
(2) Voyer le TLF ; tapez le mot « chier » dans le moteur de recherche
(3) Moi, j’aime bien « Caca boudin ! ». Pas vous ?
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