Elle [la voyante] a reconstitué la scène, m'a littéralement vu empoisonné par le sang des menstrues d'une femme nourrie d'hosties poignardées
Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891
La profanation de l’hostie + le sang menstruel : un tabou peut ne cacher un autre…
Comment comprendre la résistance des tabous dans une société qui a mis à distance les superstitions et la pression religieuse ?
Cette citation de Huysmans a le mérite de discriminer entre les tabous « historiques » et les tabous « psychologiques ». Accepteriez-vous d’avaler une hostie poignardée ? (1). Peut-être. Accepteriez-vous de boire du sang menstruel ?
Voilà. C’est là que je voulais en venir. Il y a des tabous - tel que celui qui persiste sur les règles - que rien n’explique complètement, et qui pourtant sont universels et éternels. Universels parce que le tabou de la femme qui a ses règles est présent dans toutes les religions avec des exclusions plus ou moins accentuées. Je n’énumère pas tout le monde connaît. Eternel, parce que ça se perd dans la nuit des temps et que ça dure aujourd’hui encore.
Alors certes on me dira peut-être : il ne s’agit pas de tabous, mais de répugnance vis-à-vis de tout ce qui sort du corps humain : morve, salive, urine, fèces, tout cela nous donne la nausée et nous nous en détournons avec dégoût.
Un exemple : il y a de ça quelques années, la marque de tampons périodiques Nana lançait une pub autour de la présentation de ses garnitures emballées comme des bonbons. Le « concept » était : banalisons les règles et rendons les au quotidien. Qu’un femme ne soit pas gênée si elle laisse tomber une garniture périodique de son sac à main.
Bon, si on veut. Moi, ce que je veux dire, c’est qu’un tabou, ça va beaucoup plus loin que la gêne et la honte.
C’est que les femmes, toutes les femmes, et de tout temps ont été victimes d’ostracisme, en particulier à cause de cette « impureté » qui les rendait inaptes à toutes sortes d’actes, y compris dans la société laïque.
Et ce qui m’intéresse, c’est que, malgré les changements de statut de la femme dans la société, une horreur de l’impureté qui va au-delà des principes de l’hygiène s’attache toujours aux menstrues.
On sait que Freud (2) expliquait l’horreur du tabou par le désir inconscient d’accomplir l’acte qu’il défendait.
Plus sérieusement, certains n’hésiteront pas à expliquer que l’écoulement sanguin périodique (litote ou périphrase ?) est rattaché inconsciemment au fantasme de castration : c’est la blessure de la femme privée de pénis.
Les filles, ça casse tout.
(1) Rappelons qu’il s’agit de poignarder une hostie consacrée pour faire couler le sang du Christ dont elle est devenue le corps. C’est une profanation qu’on attribuait autrefois aux Juifs quand l’envie de faire un pogrom survenait.
(2) Freud - Totem et tabou 1913
2 comments:
Bonjour,
je pensai que j'aurais quelque réponse de vous à la suite du commentaire que j'ai fait au sujet de la citation du 19 oct , citation extraite d'une de mes pièces de théâtre...
Comment prendre contact avec vous?
Mais peut-être craignez-vous d'être envahi... je le comprendrais fort bien.
Cordialement.
Jérôme Touzalin.
Comme toujours le problème c'est d'éviter de divulguer son adresse sans devenir la proie des machines à spammer..
Je vous donne mon e-mail, transcrit de façon à désespérer ces infâmes machines :
jeanpierre.hamel«arobase »gmail.com
... où vous comprenez que le symbole habituel est remplacé par: "arobase"
Au plaisir de vous lire.
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