En France, on fait sa première communion pour en finir avec la religion ; on prend son baccalauréat pour en finir avec les études, et on se marie pour en finir avec l'amour... et on fait son service pour en finir avec le devoir militaire.
Jean Jaurès – L'armée nouvelle
Je dédie cette formule de Jaurès aux amoureux des belles citations, de celles dont on aime se souvenir et répéter l’occasion venue.
Reste que bien sûr, il faudrait la moderniser un peu : le bac n’est plus suffisant pour sortir des études, et le service militaire n’est plus d’actualité… mais ça pourrait revenir !
Si on y réfléchit, pourtant, ce que dit Jaurès est pour le moins insolite : il est des perversions étranges qui nous permettent de transformer les portes d’entrée en portes de sorties.
- La communion, au lieu d’être l’initiation à la ferveur envers Dieu, devient le moyen de ne plus y penser, même pas au cours de catéchisme.
- Le bac : en tenant compte des réserves faites ci-dessus, le bac aurait dû être l’accès à l’autosuffisance dans les études. Le bachelier devait être celui qui était capable d’étudier tout seul (permettez-moi un petit instant d’orgueil : c’est pour cela qu’on lui faisait faire de la philosophie en terminale).
Au lieu de cela, le bachelier de Jaurès n’a qu’une idée : en finir une bonne fois avec tous ces bouquins sur les quels il s’endort.
- On se marie pour en finir avec l'amour : oui, finies les roucoulades sous le balcon de la Dulcinée, finis les regards énamourés pour la séduire, les serments au clair de lune…
Du temps de Jaurès, le mariage, c’est le temps pour le bourgeois d’aller au Lupanar, et pour l’ouvrier de rentrer ivre le samedi soir.
- Et le service militaire, moyen d’en finir avec devoir militaire.
La comparaison laisse rêveur : Jaurès voudrait semble-t-il que ce devoir ne cesse pas, pas plus que la pratique et la ferveur religieuse, pas plus que l’amour, pas plus que l’étude.
Un devoir militaire, c’est participer activement à une l’armée de conscription, ou à une milice populaire, ou à la Garde nationale – que sais-je encore ?
… Après tout, oui, c’est quand même cela qui est vraiment dépassé dans la citation de Jaurès : et pas seulement parce que le service militaire a été supprimé. Ce qui est tout à fait sorti de nos mentalités, c’est l’idée que nous pourrions avoir un devoir militaire, qu’entre l’armée et le citoyen il y aurait une continuité, une connivence, une communauté de nature.
Faire partie d’une armée de citoyens ça devrait être ça le devoir militaire.
Je ne connais pour ma part qu’une armée au monde qui réponde à cette conception : c’est Tsahal, l’armée d’Israël.
Du moins, cette armée qui existait avant… avant l’opération plomb durci.
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