Monday, January 04, 2010

Citation du 5 janvier 2010

Le troisième [précepte], de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composés ; et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. [C’est nous qui soulignons]

Descartes, Discours de la méthode – Deuxième partie


Là où l'homme aperçoit un tout petit peu d'ordre, il en suppose immédiatement beaucoup trop.

Francis Bacon


Dans l’histoire des idées il est coutumier de rapprocher Descartes de Bacon, et pas seulement parce qu’ils ont été presque contemporains : leurs œuvres majeures (Discours de la méthode en 1637 pour l’un, Novum organum en 1620 pour l’autre) portaient les prémices de la science nouvelle qui était entrain de naître et qui prenait son essor avec Bacon, avec Descartes, avec Galilée, avec Pascal et avec bien d’autres encore.

Pourtant il semble que leur opinion ait divergé sur un point capital : la systématicité. Faut-il oui ou non estimer que l’ordre est partout dans la nature, et que le désordre n’est qu’une fausse apparence ? (1)

Alors, bien sûr on peut supposer que Bacon vise ici la naïveté des inductions hâtives qui nous poussent à croire que ce qui s’est produit un jour se reproduira toujours. Mais on peut croire aussi qu’il s’oppose à cette fausse sécurité de l’esprit qui, parce qu’il a imaginé une formule mathématique ad hoc, se détourne de l’observation pour faire fonctionner ses modèles sans plus se poser de question.

Grave question dont, je crois bien, on n’a pas fini de débattre aujourd’hui encore, presque quatre siècles après… Reste qu’il y a un fait incontestable et que Bacon ne pouvait anticiper : c’est que la science a progressé et progresse encore en postulant que l’ordre – le plus simple et le plus étendu possible – doit orienter la recherche et valider ses résultats là où l’expérience n’est pas probante, ni même possible, comme dans la théorie des cordes.

En tout cas dans la physique contemporaine, là où la clarté intuitive fait défaut, c’est l’ordre mathématique qui s’impose. C’est ainsi que les physiciens estiment que quand les faits expérimentaux donnent des résultats bien incompréhensibles, ils tiennent quelque chose d’authentique. Ils n’ont plus alors qu’à piocher leurs bouquins de mathématique pour trouver l’équation qui mettra de l’ordre dans tous ça.


(1) Voir aussi la sentence de Bergson sur le désordre (Post du 17 janvier 2006)

No comments: