Les latins disaient : la faim de l'or, auri fames. Nous, plus énergiquement, la soif de l'or. La soif est en effet un besoin plus violent et dont la satisfaction cause l'ivresse.
Alphonse Karr
Quel est le besoin qui sert à mesurer tous les autres ? Celui dont l’intensité évoque un maximum indépassable ? L’étalon du désir ?
Curieusement le besoin sexuel n’est jamais évoqué. Du genre : j’ai une envie de cette petite robe, qui est aussi forte que celle que j’éprouve quand je n’ai pas fait l’amour depuis un an six mois ; d’ailleurs voyez comme l’absence de formule toute faite entraîne des phrases un peu longuelettes.
Soyons sérieux : ainsi que le dit Alphonse Karr, c’est la faim ou la soif qui permettent d’étalonner nos envies. Or comme on vient de s’en mettre jusque là, aussi bien dans des agapes que dans les beuveries de fin d’année, on va pouvoir y réfléchir.
D’abord je tiens pour erroné l’affirmation que la différence entre boire et manger soit l’ivresse : les ethnologiques qui ont séjourné dans des tribus de chasseurs ont constaté que quand la chasse avait été bonne, l’abondance de nourriture provoquait pour ces gens affamés chroniques une véritable ivresse.
Ensuite, on devrait parler du besoin plutôt que de la satiété. La soif est-elle un besoin plus fort que la faim ? Je n’en suis pas sûr. En tout cas j’ai constaté quelque chose de bien général, c’est que la faim entraîne une agressivité que la soif ne provoque pas. L’assoiffé se plaint de sa soif. L’affamé se querelle avec tout le monde.
Ajoutez à cela que si la soif est intense elle provoque des troubles « seulement » physiologiques, alors que la faim, même légère, provoque une obsession qui chasse toute autre préoccupation : ventre affamé n’a pas d’oreilles dit le proverbe. Quiconque a fait la classe à des enfants – même déjà grands – sait qu’après 11 heures du matin, il ne faut plus compter sur l’attention des élèves : ils ont faims (d’où l’idée de les nourrir à 10 heures : voir le verre de lait de Mendès-France (1)
(1) On se rappelle que cette distribution de lait aux enfants des écoles avait été ordonnée par Pierre Mendès-France, alors président du conseil, pour lutter contre la dénutrition et l’habitude qu’avaient les parents de donner aux enfants du vin en guise de nourriture. Pierre Mendès-France a pendant un an réalisé le miracle des Noces de Cana, transformant non pas l’eau en vin, mais le vin en lait.
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