Sunday, February 02, 2014

Citation du 3 février 2014

Le vertige, c'est autre chose que la peur de tomber. C'est la voix du vide au-dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi.
Milan Kundera – L'insoutenable légèreté de l'être (1984)

Hitchcock – Vertigo (1958)
Tiens ? Encore un escalier ! Et qui plus est : encore un personnage entrain de descendre un escalier… (Voir Post d’hier). Sauf qu’hier on était en bas de l’escalier, ici nous sommes en haut. Hitchcock nous donne une vision vertigineuse de l’espace qui se creuse et tourbillonne presque indéfiniment sous les pas du personnage – celui qui dans ce film souffre de vertige.
L’escalier n’est plus (comme dans notre Post d’hier) le prétexte d’un mouvement (donc la source d’un dynamisme), mais il est un moyen de structurer un espace. D’ailleurs il est probable que nous n’aurions jamais le vertige si nous-mêmes descendions l’escalier, mais seulement dans la vision en perspective de la cascade de ses marches.
Bon – Maintenant le contenu de la citation de Kundera : il reprend une idée bien connue  selon laquelle le vertige n’est pas lié à la peur du vide, mais au désir de s’y jeter.
- Sartre disait déjà que c’est notre liberté qui nous donne le vertige. Oui, je suis libre de me jeter dans le vide, et le vertige est un symptôme de ma liberté : si donc j’étais tenu par une corde, je n’aurais plus la liberté de tomber, donc plus de vertige, alors même que la perception du vide serait strictement la même.
Mais les nuances existent : certes Kundera affirme lui aussi que le désir de se jeter dans le vide n’est pas un état originel. Mais pour lui il n’est pas la conséquence de ma liberté – il est celle d’un envoutement : le vide nous appelle, il exerce sur nous un charme vénéneux au quel nous ne pouvons résister.
Mais, là aussi, Kundera ne fait que reprendre ce que nous connaissions bien : voyez l’épisode du chant des Sirènes dans l’Odyssée.
Résumé : Ulysse sait que le chant de ces enchanteresses va l’attirer irrésistiblement sur les récifs où son bateau va se fracasser. Désireux de connaitre malgré tout ce chant, il se fait attacher au pied de son mat, tandis qu’il bouche les oreilles des marins avec de la cire. Ceux-ci ne peuvent donc entendre ni le chant fatal, ni les ordres d’Ulysse qui les appelle à mettre le cap sur la côte. Ajoutons que ces sirènes-là n’ont pas une queue de poisson mais des ailes d’oiseau.
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