Saturday, February 01, 2014

Citation du 2 février 2014


En un mot, l'œuvre est un échelonnement; son être est le degré: un escalier qui ne s'arrête pas.
Roland Barthes par Roland Barthes (1975)

Duchamp – Nu descendant un escalier

L’image de l’escalier dans l’œuvre d’art : c’est l’image d’une continuité faite de discontinuité, comme l’escalier forme un tout constitué de marches toutes en décalage les unes des autres.
Gilles Deleuze commentant ce tableau de Duchamp (1) faisait ressortir qu’il était une composition dynamique (évidemment puisqu’il s’agit d’une descente d’escalier) obtenue par
1) des infimes variations d’une figure à l’autre ;
2) une combinaison qui fait un tout avec ces différences.
Le nu qui descend l’escalier n’est pas une allégorie : il est fait de déséquilibre qui « ne sera conjuré que dans l’effet total ». L’« effet total », qui n’existe donc que par le regard du spectateur. Inutile de vous étonner que le Nu en question ne soit pas arrivé plus manifestement en bas de l’escalier. De fait, le cadrage de la toile le montre entrain de descendre, et peut-être a-t-il encore bien des marches devant lui. C’est le mouvement qui fait l’unité, pas le fait d’aller d’un point à un autre.
C’est d’ailleurs ce que notait Roland Barthes : l’œuvre d’art est un escalier qui ne s’arrête pas, car elle n’existe que dans le mouvement de la création, et non dans un projet qui, une fois atteint la refermerait sur elle-même.
Voilà une conception extrêmement roborative de l’œuvre d’art. Mais aussi une idée bien intrigante : Léonard a-t-il terminé la Joconde ?
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(1) "Considérons la répétition d'un motif de décoration : une figure se trouve reproduite sous un concept absolument identique... Mais, en réalité, l'artiste ne procède pas ainsi. Il ne juxtapose pas des exemplaires de la figure, il combine chaque fois un élément d'un exemplaire avec un autre élément d'un exemplaire suivant. Il introduit dans le processus dynamique de la construction un déséquilibre, une instabilité, une dissymétrie, une sorte de béance qui ne seront conjurés que dans l'effet total. " (Gilles Deleuze, Différence et répétition, Ed. Anagrama, 1995, p.88-89)  Cité ici

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