Car on ne peut entrer deux fois dans la même fleuve, ainsi que dit Héraclite.
Plutarque - Que signifie le mot "Ei"
Bon, vous l’avez entendu comme moi, notre Premier Ministre lui-même aime citer Héraclite, répondant à une question sur l’éventuelle réédition des grèves de 1995, par cette formule du Philosophe Obscur (1).
Héraclite c’est le philosophe du devenir, et Platon y puise son mépris des formes sensibles de la réalité. Tout change, en permanence, et ce que je prends pour la réalité stable n’est qu’illusion : qu’est-ce que le fleuve sinon l’eau qui s’écoule et disparaît sans cesse ?
Bon - Je doute fort que nos ministres soient des métaphysiciens militants. La question est donc : qu’est-ce que notre Premier désigne lorsqu’il parle de fleuve qui s’écoule sans cesse ? La réponse qui me vient à l’esprit c’est : l’histoire. Comme le fleuve d’Héraclite qui ne remonte pas vers sa source, l’histoire ne se répète pas : il y a bien des cycles répétitifs, mais ils ne sont que des occurrences du même phénomène survenant dans des contextes chaque fois différents. Exemple : les crises d’ancien régime (= disette) survenaient tous les 30 ans de façon statistiquement régulière, avec en apparences toujours les mêmes jacqueries, et toujours les mêmes « dragonnades ». Oui, sauf qu’en 1788, la disette qui survient (il est vrai après une longue période de prospérité) amorce la révolution qui va éclater l’année suivante. L’histoire est faite de cet écoulement irréversible et inexorable.
Tout change (« Tout s’écoule » dit aussi Héraclite) : risquons la question adressée à cet autre philosophe qui nous gouverne : qu’est-ce qui a changé depuis 1995 ?
Evitons la réponse banale : Tout a changé.
Proposons un débat : est-ce que ce sont les hommes qui nous gouvernent qui ont changé ou bien est-ce que ce sont les hommes gouvernés ?
C’est trop compliqué ? Vous vous sentez plutôt d’humeur à pousser plutôt un « coup de gueule » ?
Appelez le standard de RTL (ou d’Europe 1, ou RMC, ou…)
(1) F.F. a donné la citation sous sa forme actuelle « On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve ». Ça dit la même chose, sauf qu’à l’époque d’Héraclite on se souciait plutôt de traverser le fleuve que de s’y baigner.
Vous en voulez une autre, de moins connue ? Tenez, en voici une : « Le soleil est nouveau chaque jour, il est toujours sans cesse nouveau » Fragment 75 (éd. Jean Brun)
1 comment:
On pourrait mettre en perspective le point de vue d'Héraclite avec celui de l'Ecclésiaste (I, 5) :
"Ce qui a été, c’est ce qui sera,
et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera,
il n’y a rien de nouveau sous le soleil."
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