Publilius Syrus – Sentences
Encore une fois, nous remarquons combien certaines sentences sont à la fois évidentes et bien embarrassantes. Car comment dissiper cette contradiction qui consiste à dire que celui qui n’a rien est tout compte fait moins démuni que celui qui possède beaucoup de richesses ?
Et comment rendre compte du caractère insatiable de l’avarice ?
On peut s’en tirer grâce à une distinction entre la nature des besoins et celle de la passion.
Car l’indigence est la conséquence de l’insatisfaction des besoins. Par contre, l’avarice est un amour passionné des richesses, et on va voir que sa satisfaction est impossible, comme il se doit avec les passions en général.
Supposons que j’ai besoin de boire parce que j’ai soif : il est évident que mon besoin une fois satisfait, je vais me détourner de la boissons – à moins d’être un « bois sans soif », mais alors il s’agit d’ivrognerie, ce qui ne relève pas des besoins.
Maintenant, supposons que j’aime posséder de l’or – comme de juste pour l’avare (1). Quand est-ce que j’aurai assez d’or ? Jamais. Exactement comme l’amoureux fou qui n’aura jamais assez de preuves de l’amour de sa Bien-aimée.
Si les moralistes ont chassé les passions du domaine des vertus, c’est précisément en raison de son caractère excessif : la passion n’a aucune limite, et de ce fait elle peut franchir la frontière qui sépare le bien du mal. L’avare est capable de tous les excès et de pires crimes pour assouvir sa passion des richesses, quitte à mettre sa propre vie en danger – exactement comme Othello qui tue Desdémone par jalousie, et puis se suicide sur son corps parce qu’il ne peut vivre sans elle.
Reste que l’être humain est un être de transgression qui ne vit que grâce au dépassement permanent des limites. Après tout il y a d’autres limites que celles de la richesse à dépasser…
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(1) On pensera évidemment à cette séquence « cultissime » de La folie des grandeurs. A voir ici.
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