On ne doit pas toujours accorder toutes choses, ni à tous. Il est aussi louable de refuser avec raison que de donner à propos. C'est en ceci que le non de quelques-uns plaît davantage que le oui des autres. Le refus accompagné de douceur et de civilité satisfait davantage un bon coeur qu'une grâce qu'on accorde sèchement.
Madame de Sablé – Maximes
La façon de donner… on connaît la suite. Maintenant, suffit-il de décliner la formule avec le refus ? La façon de refuser importe plus que ce qu’on refuse…
Oui, si on veut s’en tenir à la fin de la maxime : la demande serait moins une demande de service que – comme le dit Lacan – une demande d’amour (1). Il y aurait toujours quelque chose qui se donne, jusque dans le refus : c’est la douceur et la civilité, qui rendent aimable la personne qui refuse.
Mais madame de Sablé nous dit encore autre chose : Il est aussi louable de refuser avec raison que de donner à propos. J’aurai de l’estime pour la personne qui refuse d’accéder à ma requête, à condition qu’elle me donne la juste raison pour le faire. Est-ce vrai ?
On imagine bien sûr un galant qui chercherait à séduire madame de Sablé ; c’est vrai qu’en voyant son portrait, on a des doutes, mais enfin – supposons.
Hé bien on imagine donc madame de Sablé répondant :
« Cher monsieur, si je cédais à vos demandes impudiques, vous seriez en droit de me mépriser pour ne pas avoir su défendre mon honneur. En me prenant pour maîtresse, vous n’accepteriez même plus de m’avoir pour amie. »
Voilà, c’est dit. Maintenant essayez quand même : non pas avec une copine, parce que là je doute que ça marche encore comme ça, mais… disons avec votre percepteur. Demandez lui une exonération fiscale : voici sa réponse :
« Monsieur, votre demande de dégrèvement fiscal est infondée, et je ne saurais y agréer sans déroger à ma mission qui est de service public. Vous comprendrez, Monsieur, que la confiance que vous pouvez m’accorder repose sur ma rigueur et mon intransigeance devant des requêtes comme la vôtre. »
Dit comme ça, ça passe mieux, n’est-ce pas ?
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(1) Le besoin vise un objet spécifique et s'en satisfait. La demande est formulée et s'adresse à autrui ; si elle porte encore sur un objet, celui-ci est pour elle inessentiel, la demande articulée étant en son fond demande d'amour. Laplanche et Pontalis – Vocabulaire de la psychanalyse
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