Si c’est gratuit, c’est vous le produit.
Anonyme
(Généralement cité à propos des Big-data)
There ain't no such thing as a free lunch », (« Un repas
gratuit, ça n'existe pas »)
Robert
A. Heinlein – Révolte sur la Lune (1966)
La méfiance à l’égard de la gratuité est une sage précaution
de méthode : lorsqu’un tract publicitaire l’annonce, on se dit :
« Attention ! Piège à cons ! » Et on a bien raison, mais ce
qui serait plus intéressant, c’est de savoir comment marche ce piège. C’est là
que les grandes entreprises du Web brillent par leur inventivité : ce que
nous leur donnons en échange de leur services « gratuits », c’est
nous-mêmes ! Oui, nous dans les mille petits détails de notre vie, quand
nous cherchons l’heure d’un train, quand nous envoyons un SMS à nos amis depuis
notre Smartphone, ou quand nous achetons une petite robe pour l’été. Certains
dirons que si on peut nous connaître en ne sachant que cela c’est que nous
sommes devenus bien minables. Peut-être. Mais dans la mesure où c’est notre
argent qui intéresse les manipulateurs de Big-data, inutile pour eux de
savoir quelle est notre religion ni quelle sorte d’émotion nous ressentons
en aspirant à pleins poumons l’air frais du petit matin.
Quand on nous dit : « C’est vous le produit », c’est cela que nous avons du mal à
comprendre : c’est aussi que nous ne nous connaissons pas très bien. Car,
sinon, nous saurions à quoi nous consacrons notre argent. Ce qu’on peut vendre
de nous (ce par quoi nous sommes donc un produit),
c’est cette mince interface, qui nous relie au monde extérieur, du moins au
monde économique extérieur ; ces
besoins de petits riens, ces désirs qui font dire de nous que nous sommes bien
« matérialistes » : car suppose-t-on, nous serions intéressés
uniquement par ce qui s’achète et qui se vend. Les critiques
« soixante-huitardes » de la société de consommation disaient que la
pub nous manipulait et qu’elle nous dénaturait en nous faisant croire que nous
serions plus Beaux, plus Grands, plus Forts grâce aux produits du commerce.
Aujourd’hui tout ça, c’est terminé : non pas dépassé, mais bel et bien
acquis. Plus besoin de faire de la publicité pour une gamme de produit. Nous
sommes déjà déterminés à acheter ceci ou cela et c’est notre comportement
quotidien qui le révèle ; il ne reste plus qu’à nous persuader d’opter
pour telle marque plutôt que pour telle autre.
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