Penser, c'est être à la recherche d'un promontoire.
Montaigne
– Essais
Caspar
David Friedrich – Der Wanderer (1818)
Commentaire
2. –
Oui, je sais : on dit qu’il s’agit d’un voyageur
contemplant une mer de nuages. Sans doute.
Mais du coup on oublie l’essentiel : les nuages
bouchant la vue empêchent de voir qu’on est sur un promontoire en altitude.
Supposez que d’un coup les nuages se dissipent : le Voyageur contemple
alors les pentes vertigineuses de la montagne et là bas, tout en bas, dans le
fond de la vallée, le village avec ses maisons petites, si petites…
Evidemment, cette perspective invite à méditer sur la
relativité et la petitesse des choses humaines. D’avion, plus de frontières, et
depuis l’espace, recherchant des traces humaines, le Cosmonaute le
constate : seule la Grand Muraille est encore visible ; quand au voyageur
de Friedrich sur son éperon rocheux, il n’est lui-même une petite chose au
milieu des rocs et des à pics.
Voilà ce que
Montaigne nous signale : penser c’est prendre cette altitude qui met
chaque chose à sa juste place : faut-il donc s’étriper pour une frontière
qui n’est qu’une ligne tracée à la craie sur le sol ?
Ceci admis,
on peut encore se demander : où pourrions-nous trouver un tel
promontoire ? Comment acquérir le point de vue surplombant d’où il est
possible d’avoir cette vue synthétique ? Faut-il le rechercher dans la
Révélation divine ? Dans les ouvrage de philosophie ? Ou plutôt dans
les études des historiens ?
Oui, c’est
vers cela que je penche : les historiens, perchés sur l’empilement des
siècles, peuvent avoir sur le passé une vue plongeante et globalisante. Eux
peuvent le dire : « Je sais ce qui s’est passé mieux que ceux-là
mêmes qui ont fait l’événement ». Le seul problème c’est que la pensée
n’éclaire pas la route qui va devant, mais seulement celle qui arrive de
derrière.
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