Sunday, July 31, 2016

Citation du 1er aout 2016

Penser, c'est être à la recherche d'un promontoire.
Montaigne – Essais


Caspar David Friedrich – Der Wanderer (1818)
Commentaire 2. –
Oui, je sais : on dit qu’il s’agit d’un voyageur contemplant une mer de nuages. Sans doute.
Mais du coup on oublie l’essentiel : les nuages bouchant la vue empêchent de voir qu’on est sur un promontoire en altitude. Supposez que d’un coup les nuages se dissipent : le Voyageur contemple alors les pentes vertigineuses de la montagne et là bas, tout en bas, dans le fond de la vallée, le village avec ses maisons petites, si petites…
Evidemment, cette perspective invite à méditer sur la relativité et la petitesse des choses humaines. D’avion, plus de frontières, et depuis l’espace, recherchant des traces humaines, le Cosmonaute le constate : seule la Grand Muraille est encore visible ; quand au voyageur de Friedrich sur son éperon rocheux, il n’est lui-même une petite chose au milieu des rocs et des à pics.
Voilà ce que Montaigne nous signale : penser c’est prendre cette altitude qui met chaque chose à sa juste place : faut-il donc s’étriper pour une frontière qui n’est qu’une ligne tracée à la craie sur le sol ?

Ceci admis, on peut encore se demander : où pourrions-nous trouver un tel promontoire ? Comment acquérir le point de vue surplombant d’où il est possible d’avoir cette vue synthétique ? Faut-il le rechercher dans la Révélation divine ? Dans les ouvrage de philosophie ? Ou plutôt dans les études des historiens ?

Oui, c’est vers cela que je penche : les historiens, perchés sur l’empilement des siècles, peuvent avoir sur le passé une vue plongeante et globalisante. Eux peuvent le dire : « Je sais ce qui s’est passé mieux que ceux-là mêmes qui ont fait l’événement ». Le seul problème c’est que la pensée n’éclaire pas la route qui va devant, mais seulement celle qui arrive de derrière.

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