Nous nous
plaignons de notre ignorance, mais c'est elle qui fait presque tout le bien du
monde : ne prévoir pas, fait que nous nous engageons.
Bossuet – Œuvres complètes (édition 1863)
L'ignorance
et la bêtise du peuple font la force du dictateur.
Jdan Noritiov
Que penser de
l’ignorance ? D’un côté on la rejette, parce qu’elle paraît complice des
dictateurs qui assoient leur domination sur la croyance en leur pouvoir
démiurgique ; de l’autre on l’apprécie – par exemple quand on évite de dire
à quelqu’un qu’il est désigné pour mourir bientôt ; ou encore quand on
refuse les tests qui révèleraient une prédisposition génétique à une maladie
incurable : c’est qu’alors l’ignorance est une condition de la vie
normale.
Imaginons que
par magie on puisse lire le « Journal du lendemain », et que
celui-ci annonce à son lecteur son propre décès ; celui-ci serait-il allé
tranquillement travailler comme chaque jour ? Et qu’est-ce qui se
passerait dans les étables si les cochons savaient que la bétaillère pour
l’abattoir arriverait le lendemain ? (1)
Mais il y a
plus : ne pas savoir, ne pas prévoir, ce n’est pas seulement le secret du
bonheur ; c’est aussi, comme le dit notre Auteur-du-Jour, que l’ignorance encourage
l’engagement : comme nous imaginons facilement que l’avenir nous sourira,
l’ignorance de ce qu’il nous réserve véritablement nous aide à formuler des
projets que nous tenterons de réaliser.
Oui, bien
heureux l’ignorant ! Si de surcroit il a foi en un Protecteur qui étend
sur lui sa Providence, alors il s’en remet à lui : Inch’Allah ! A
quoi bon se soucier de l’avenir ? Fais ce que tu dois, et quand au
résultat remets en au Seigneur-Dieu.
L’ignorance
est une grâce.
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(1) Voir (ici) le
film Babe, le cochon devenu berger
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