Ce n'est pas le sexe qui est impur : c'est la force, la
contrainte (Simone Weil : L'amour n'exerce ni ne subit la force ; c'est là
l'unique pureté), tout ce qui humilie ou avilit, tout ce qui profane, tout ce
qui abaisse, tout ce qui est sans respect, sans douceur, sans égards.
La pureté, inversement, n'est pas dans je ne sais quelle
ignorance ou absence du désir (ce serait là une maladie, non une vertu !) :
elle est dans le désir sans faute et sans violence, le désir accepté, le désir
partagé, le désir qui élève et célèbre !.
Comte-Sponville
– Petit traité des grandes vertus – La pureté
Le pur et l’impur. –
« Ce n'est pas le
sexe qui est impur : c'est la force, la contrainte … tout ce qui humilie ou
avilit ». L’idée de Comte-Sponville n’est pas nouvelle : on la
trouve chez Nietzsche : « Le
christianisme a empoisonné Eros – il n’en est pas mort, mais il est devenu
vicieux. » (1) : l’impureté vient de la frustration du
désir, de ce qui l’arrache à la nature pour l’empêcher de se manifester en lui
infligeant humiliation et violence. Bref : ce qui porte atteinte au désir porte
atteinte à nous-mêmes. Ou encore : l’unité de notre âme est faite de la
pluralité de nos désirs. En nous nulle place pour ces failles, ces conflits entre
ces parts « divines » et ces parts « diaboliques », car
rien de tout cela n’existe : tout ce que la nature nous a donné est
nécessaire à notre développement.
Comte-Sponville, à la suite de Freud, affirme que le sexe
n’a en soi rien de particulièrement impur, simplement il est plus que tout
autre besoin humain soumis au refoulement. L’impureté n’a rien de naturel,
d’ailleurs il n’est que de voir combien son domaine varie d’une culture à une
autre : chez les musulmans, la chevelure d’une enfant de 11 ans suffit
pour donner des pensées impures aux hommes ; inversement, dans
certains pays africains, personne ne songerait à exiger des femmes qu’elles
cachent leurs seins.
- Comte-Sponville : 10/10 ! Le philosophe-du-jour
a donc tout-bon ?
Pas si vite !
Car pour être pur, le désir doit encore passer l’épreuve du rapport à
l’autre. D’ailleurs Comte-Sponville le dit : « Le désir sans faute et sans violence, le
désir accepté, le désir partagé, le désir qui élève et célèbre » est la
condition de la pureté. Allez donc voir chez Sade ce qui se passe : bien
sûr le refoulement est totalement inconnu des héros de ses romans –
certes ! Mais voilà : leurs désirs expriment la violence la plus
débridée, et sans s’interroger pour savoir si cela élève ou abaisse ces héros,
on peut dire que leur jouissance n’est ni acceptée ni partagée des autres.
Recherchez plutôt le bien dans ce qui peut valoir pour tous,
même s’il vous faut alors renoncer à certains désirs. Mais inutile pour cela de
ressortir le pur et l’impur.
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(1) Nietzsche – Par-delà le bien et le mal (Aphorisme 168)
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