Petite communauté de quelques dizaines de personnes, la
communauté juive d’Apt ne survécut pas à une émeute en 1348 : on lui
reprochait d’être responsable de la peste noire qui sévissait alors.
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sur le Portail au Mascaron – Apt (Vaucluse)
Œdipe, jugé responsable de la peste qui frappa Thèbes dans
un passé mythique, a été chassé de la ville après avoir eu les yeux crevés.
Combien de Juifs ont été, comme à Apt, massacrés parce qu’on les a crus
responsables de la peste : n’avaient-ils pas la réputation d’être des empoisonneur
de puits ?
- L’histoire ne serait donc qu’un éternel
recommencement ?
Je me posais cette question en écoutant récemment les
commentaires d’observateurs britanniques à propos de la désillusion consécutive
à la sortie de leur pays de l’Europe Unie. Ces gens, disent-ils, ont été
victime d’une campagne électorale mensongère ; ils ont cru que les
« étrangers » étaient responsables de leurs malheurs, qu’ils leur prenaient
leur travail et la place de leurs enfants dans les écoles. Ils voient
maintenant, alors qu’on leur annonce les milliards perdus en Bourse et les
entreprises qui font leurs valises, qu’ils ont été victimes avant tout de leur
propre ignorance.
Oui, quand le malheur s’abat sur une communauté elle a tôt
fait de trouver un bouc émissaire ; et bien sûr le faible, le différent,
l’inassimilé est le premier à être désigné. Peu importe qu’il soit où non véritablement
responsable : qu’a-t-on à faire de la vérité ? L’important est que le
malheur ne reste pas invengé. Si cette histoire se répète depuis la lointaine
antiquité, c’est que ces passions primitives une fois débusquées ne
disparaissent pas pour autant : le malheur qui nous frappe est toujours
une injustice parce qu’on le croit toujours l’effet d’une intention. Si je suis
malade, c’est que quelqu’un m’a contaminé ; viré de mon travail, c’est
bien sûr l’effet d’une jalousie ; incapable de finir le mois sans être en
découvert : c’est la faute de ces travailleurs détachés qui font chuter
les salaires.
o-o-o
Mais on n’a pas encore tout dit : Œdipe était un brave
garçon, bien propre sur lui, et rien de le désignait à première vue comme le
criminel suscitant le courroux divin. Par contre, si quelques personnes me sont
odieuses parce que différentes, avec une peau colorée autrement que la mienne –
et qu’en plus elles ne fréquentent pas l’Eglise de Dieu, alors il faut
nécessairement qu’une telle abomination produise le Mal. Il n’y a plus qu’à
attendre : le premier fléau venu fera l’affaire.
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