La beauté du visage est un frêle ornement, / Une fleur
passagère, un éclat d'un moment, / Et qui n'est attaché qu'à la simple
épiderme.
Molière.
Les Femmes Savantes, Acte III., Sc. VI.
Molière se fait l’écho d’une conception fort connue à son époque,
popularisée par la Contre-réforme, celle des Vanités qui ravalent la beauté féminine à un trait superficiel et
transitoire, origine du péché et qui doit être mortifié (ci dessous sainte
Madeleine se flagellant le sein).
Elisabeth
Sirani – Sainte Madeleine au désert
Alors, la beauté ne serait qu’une illusion machinée par le
démon pour la perte des fidèles ?
N’y a-t-il pas une contradiction qui consisterait à
dire : tout ce que l’on peut voir – y compris la beauté des femmes – est
éphémère et donc périssable ; la beauté véritable est invisible, seul l’esprit peut la contempler – raison
pour la quelle elle est impérissable
Cela Platon l’avait détaillé et argumenté il y a bien
longtemps (1). Pour lui, de même que tout ce qui est sensible – qu’on peut voir,
toucher ou sentir – est sans valeur, de même tout ce qui est éternel est
invisible insensible. La peau – nous y voilà – est très belle mais elle ne conserve
pas ses qualités : la voici qui avec l’âge, s’épaissit, s’avachit et
devient grisâtre. Pouah ! Comment pourrait-on aimer toucher et baiser une
peau comme celle-là ! Nos élégantes la font retendre, mais cela ne sert à
rien : elle est et elle demeure une vieille
peau.
Disons, comme Platon, « tout ce que j’aime est
invisible, parce que ça n’existe que dans mon esprit ». Ce que disait
avec une force exemplaire Claude Simon dans ce passage :
« Cette
interminable chevauchée nocturne n'avait eu d'autre raison, d'autre but que la
découverte à la fin de cette chair diaphane modelée dans l'épaisseur de la nuit
: non pas une femme, mais l'idée
même, le symbole de toute femme. » Claude
Simon – La route des Flandres – Citation du 11 mai 2015
Mesdames, laissez tomber toutes les onguents de l’Oréal qui
vous coutent la peau des fesses pour entretenir celle de votre visage :
rappelez à votre amoureux que votre
beauté, c’est dans son subconscient qu’il doit la chercher, pour l’aimer et la
caresser. Et s’il vous rit au nez, mettez-le dehors et cherchez un amoureux philosophe.
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(1) Platon – Le banquet, discours de Diotime, 209e-212a
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