Toute l'industrie, tout le commerce finira par n'être qu'un
immense bazar unique, où l'on s'approvisionnera de tout.
Emile
Zola – L'Argent
Dans son roman, Zola invente le Bonheur des dames, qui est l’enseigne du premier grand magasin,
calqué sur celui du Bon marché, où tout
est disponible. Ceux qui l’ont connu (ou bien la Samaritaine d’autrefois) ont une idée de ce que ça représentait.
L’idée était fort simple : réunir en un seul lieu tout
ce qui peut se vendre, sans aucune exclusive. A l’époque (milieu du 19ème
siècle) le commerce est une affaire de spécialiste, il y a la mercière et puis
il y a le quincailler. Personne ne songerait à trouver un cent de clous et
trois mètres de ruban au même endroit : qui donc pourrait vendre tout ça
en même temps ?
Mais réunir tout cela se fait quand même, avec le projet non
seulement de réduire le temps et les distances, mais aussi de réduire les
coûts.
A l’époque d’Amazon,
le bazar unique n’est plus un rêve, mais une réalité. Sauf que bien sûr, la
plateforme de vente par correspondance a remplacé le magasin – quoique : le
petit composant électronique que vous venez de commander ne viendra pas (p.
ex.) de la plateforme logistique de Saran, mais direct de Chine. Toutefois, le
principe reste le même : payer le moins cher possible.
Il y a encore quelques années on allait à l’Hypermarché pour
s’approvisionner de tout en même temps : à la sortie, la botte de poireau
voisinait avec la brassière pour le petit dernier. Aujourd’hui, pourquoi
cliquez-vous sur amazon.fr ?
Parce que vous êtes sûr de trouver votre produit ? De toute façon sur le
net vous avez tout ce que vous cherchez avec pour seule difficulté de choisir
le fournisseur. Mais justement : le fournisseur que vous allez choisir devra
être immanquablement le moins cher pour le même produit. Exactement comme à
l’époque de Zola.
Comme quoi, en matière de commerce le progrès consiste
seulement à fournir de façon plus efficace ce qu’on veut depuis la nuit des
temps.
Quand madame Cro-Magnon avait besoin d’une nouvelle robe en
peau de loup, il fallait déjà trouver le chasseur paléo capable de lui ramener
la bête et puis il fallait la dépouiller, la tanner, découper, ajuster, coudre…
Aujourd’hui, BriBri du Touquet n’a qu’à téléphoner chez Vuitton et on lui livre
ça sous 48 heures. Le prix à payer n’est peut-être pas le même – mais après
tout, qu’en savons-nous ?
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