Dès que nous nous blâmons, il nous semble que personne n'a
plus le droit de le faire.
Oscar
Wilde – Le Portrait de Dorian Gray
On se rappelle la « tirade du nez » où Cyrano de
Bergerac décrit avec minutie et facétie les défauts de son gigantesque nez,
tout en affirmant que personne n’aurait pu dire le quart de cela avant qu’il
lui ait passé son épée au travers du corps. De même on sait que les blagues
juives ne sont tolérables que lorsqu’elles sont dites par les juifs eux-mêmes.
A chaque fois on a l’impression que seul celui qui se critique a le droit de le
faire, les autres n’ayant plus que le droit de se taire : quelle valeur faut-il accorder à l'autocritique destituerait-elle quiconque du droit de critiquer ?
Et d’abord, devons-nous admettre l’autocritique comme un
preuve quelconque d’authenticité ? Dans notre droit, les aveux ne
constituent pas une preuve de culpabilité, et l’autocritique qui a été largement
pratiquée par les régimes totalitaires (staliniens en particulier) n’était
qu’une extension et une banalisation des procès où l’accusé devait réciter fort
scrupuleusement les forfaits dont on l’accusait, manière d’endosser leur
responsabilité. Ce que veut le dictateur ce n’est pas seulement que l’homme qu’il veut
perdre avoue des crimes sous la torture : il veut en plus que ce malheureux
critique ces actes comme s’ils étaient les siens – quand bien même ils ne
seraient que des mensonges.
C’est alors qu’on pense à 1984, le livre de Georges Orwell, dont le héros-dictateur
« Big Brother » veut un pouvoir absolu sur les sujets qui lui sont
soumis. Pour cela il a une arme terrible : les « télécrans » qui
lui permettent de voir à l’intérieur des murs des maisons, effaçant d’un seul
coup la vie privée. Mais n’oublions pas l’essentiel : le but du tyran est
d’être aimé de ces hommes qu’il tyrannise. Et du coup qu’il n’ait même pas besoin de dénoncer leurs forfaits,
puisque cet amour devrait suffire à le leur faire confesser – oui, confesser
comme le fidèle à genoux devant Dieu-le-Père demande son pardon dans l’intimité
du confessionnal.
Aujourd’hui encore on n’imagine pas qu’une telle chose soit
possible. Et pourtant le « Cher-leader » de Corée du Nord prouve
largement le contraire.
Le
peuple Nord-coréen en larmes à la mort de Kim-Jong-Il, le cher-leader.
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