Dès qu'un homme est né il est assez vieux pour mourir.
Martin
Heidegger
Egon
Schiele – Mère morte.
On trouve cette citation de Martin Heidegger un peu partout,
elle paraît confondante d’évidence – et pourtant on n’y croit pas. La mort d’un
enfant en bas âge, tellement courante autrefois et qu’on prenait avec
résignation : « Dieu te l’a
donné ; Dieu te l’a repris. Que le Nom de Dieu soit béni ! »,
est devenue un scandale. Les progrès de la médecine permettent à la vie de
libérer sa force vitale ; elle nous paraît alors inépuisable. Mourir, il y
a un âge pour cela et les statistiques sont là pour nous le dire : si vous
avez moins de 76 ans, ça va…
Schiele dans ce saisissant tableau nous montre une morte dont
le ventre contient un enfant vivant – encore vivant. Le rougeoiement de sa main
fait contraste avec la couleur terreuse de la main desséchée de sa mère. Dans
son halo de vie, il est cerné par le noir de la mort – la mort de sa mère
morte.
On peut y voir un avertissement : de la naissance à la
mort il n’y a qu’un pas qu’on franchit avec ce raccourci. On comprend aussi que
le sacrifice de la mère est terrible : la vie qu’elle donne, c’est la
sienne à la quelle elle renonce. Ou encore que pour imaginer la mort il faut
imaginer l’anéantissement de la vie, là où elle est la plus
« vivace », dans ce petit être qui nous paraît invulnérable tant la
force de la vie l’habite et qui pourtant, comme le dit Heidegger, est déjà assez vieux pour mourir.
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