Tuesday, February 27, 2007

Citation du 28 février 2007

Pour qu’on ne puisse point abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. […] - Montesquieu Esprit des lois, XI, 4

Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. - Montesquieu Esprit des lois, XI, 6


Il faut m’excuser de revenir à 3 jours d’écart (cf. le message du 26 février) sur la division des pouvoirs : les élections du printemps prochain me titillent les neurones…

Dans ces formules d’une étonnante concision, Montesquieu pose le principe de la séparation des pouvoirs. Il est dans la nature de ceux qui détiennent le pouvoir d’en abuser, c’est à dire de l’employer à des fins qui ne sont pas les siennes. Pour contenir le pouvoir à l’intérieur de ses limites d’application, il faut un autre pouvoir, et celui-ci ne peut résulter que de la division d’un pouvoir initialement absolu. Que le pouvoir de faire des lois puisse endiguer celui de les appliquer ; que le pouvoir de juger des délits soit indépendant de celui de faire les lois (vous retrouvez ici la base de ce qui fera contestation lors de la commission parlementaire sur l’affaire d’Outreau.). Que les hauts fonctionnaires de l’exécutif soient indépendants et des juges et des députés.

Il semblait que ces principes soient gravé dans le marbre de nos constitutions depuis plus d'un siècles. Or les élections prochaines nous rappellent que la réalité est toute autre.

Les élections présidentielles concernent le chef de l’exécutif ; les élections législatives concernent le pouvoir législatif. Par principe, ces deux élections doivent être absolument indépendantes l’une de l’autre ; or on voit combien elles sont confondues dans les faits. Et non pas par un quelconque dévoiement politique ou partisan : « on » a voulu qu’elles le soient en fusionnant dans le calendrier les dates de ces élections. Il faut, nous dit-on, que le chef de l’Etat fraîchement élu ait le pouvoir de gouverner : ça veut dire qu’il ait une majorité à l’Assemblée (cf. la dissolution de 81). Vous ne voudriez pas tout de même lui imposer une cohabitation à 4 semaines d’écart ?

D’accord, mais alors acceptons l’idée que l’abus du pouvoir devienne un risque un peu plus grand. Nous oublions l’essentiel quand nous nous interrogeons pour savoir si tel ou tel candidat représenterait un danger par son goût de l’autorité. Mais comment ne voit-on pas qu’avec de telles dispositions constitutionnelles, n’importe quel présidentiable peut devenir dangereux une fois élu ?

Parce que tout serait perdu si le même homme, exerçaient ces trois pouvoirs , ou même seulement deux !

2 comments:

Anonymous said...

Montesquieu n'a jamais énoncé de théorie sur la "séparation des pouvoirs" mais bel et bien sur la "distribution des pouvoirs" : rien ne sert de les séparer; encore faut-il qu'ils interagissent, qu'ils s'équilibrent comme le montre le régime américain, dit à séparation stricte des pouvoirs, mais qui dans les faits voit des pouvoirs se compenser...
Il s'agit donc davantage, selon la lettre et l'esprit de Montesquieu, de faire en sorte que les pouvoirs aillent de concert plus qu'ils ne s'ignorent simplement...

Jean-Pierre Hamel said...

Tout à fait : d'ailleurs je ne crois pas avoir dit autre chose.
Maintenant, que l'expression de "séparation des pouvoirs" ne soit pas la plus heureuse, peut-être. Disons qu'elle est partielle, et qu'elle ne nous dispense pas de la préciser. Mais constatons aussi qu'elle est la formule consacrée par la quelle nous pouvons entrer en communication sur ce sujet.