Les mamelles convertissent dedans soy mesmes la nourriture que prennent les femmes, en lait que puis après elles rendent par les bouts.
Jacques Amyot
- Ça y est ! Encore son fétichisme mammaire qui le reprend ! Et la dernière attaque remonte à quelques jours seulement : les crises se rapprochent….
- Hé bien, non, vous n’y êtes pas du tout. Ce message a un but beaucoup plus élevé : il s’agit de méditer sur l’identité. Ça vous estomaque, hein ?
Le femmes sont des convertisseurs : avec les aliments - hétérogènes : leur substance n’est pas la nôtre - elles font du lait - homogène au mammifère que nous sommes. Autrement dit, on fait de l’identité avec de l’hétérogénéité. Nous ne sommes donc pas ce que nous mangeons, et il faut une certaine dose d’obsession religieuse pour penser le contraire (cf. message du 24 septembre).
Mais ce qui intéresse ici c’est qu’on prend la question de l’identité par un bout opposé à ce qu’on fait l’habitude. En effet, on se pose habituellement la question du contenu de l’identité : comme Pascal qui demande à partir de quand est-ce que je cesse d’être moi-même : quand je perds ma mémoire ? Ou ma beauté ? On n’arrive jamais à une réponse entièrement satisfaisante, et Pascal en profite pour glisser sa formule : « on n’aime personne que pour des qualités empruntées ». (lire le texte)
Ici, par contre, la question de l’identité est saisie du côté du pouvoir d’intégration. La personne, c’est ce qui transforme le non-moi en moi : par exemple qui transforme un côte de porc en neurotransmetteurs pour produire ces belles pensées que j’aligne dans mon texte ; ou qui assimile la Pensée de Pascal pour résoudre un problème qu’il ne se posait peut-être pas, mais que je peux utiliser néanmoins (1).
Alors, qu’est-ce que les « mamelles » convertisseuses ont d’intéressant ? Pourquoi Amyot prend-il la peine de nous décrire leur fonction ? Hé bien, ici la conversion est d’un genre particulier : elle consiste à transformer le « non-moi » de la nourriture en « non-moi » du lait (puisque la mère ne le consommera pas) ; mais ce dernier est le seul « non-moi » (=aliment) que l’enfant puisse convertir en « moi » (sa substance).
Vous ne comprenez pas ? Mais qu’est-ce qu’elle vous a appris votre nourrice ?
(1) Bien sûr, c’est une condition nécessaire mais non suffisante pour être une personne : le porc aussi est un convertisseur (les américains, autre fois, disaient que le porc est un animal qui convertit le maïs en viande - 4 kilos de maïs pour un kilo de porc). Ce n’est pas une raison pour dire que le porc est une personne, parce que ce qu’il fabrique, lui, c’est du porc et non pas de belles pensées…
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