Certains matins de printemps ont une fraîcheur de grenouille.
Francis Dannemark (Poète et romancier belge) – Zoologie
Voilà encore une fois les poètes qui volent au secours des philosophes. Car, pour ce jour de printemps, quelle intervention demander aux enfants d’Athéna ? Même en admettant qu’ils aient quelque chose à dire, ce serait long, lourd, sans grâce.
Toutefois, il existe au moins un philosophe qui a rendu justice aux poètes : c’est Descartes.
- Voici en effet ce que Descartes disait de la poésie, selon Adrien Baillet son biographe : « il ne croyait pas qu'on dût s'étonner si fort de voir que les poètes, mêmes ceux qui ne font que niaiser, fussent pleins de sentences plus graves, plus sensées, et mieux exprimées que celles qui se trouvent dans les écrits des Philosophes. Il attribuait cette merveille à la divinité de l'enthousiasme, et à la force de l'imagination, qui fait sortir les semences de la sagesse (qui se trouvent dans l'esprit de tous les hommes, comme les étincelles de feu dans les cailloux) avec beaucoup plus de facilité, et beaucoup plus de brillant même, que ne peut faire la Raison dans les Philosophes. » Descartes – Olympiques (1)
Donc le poète fait jaillir les semences de vérités, comme on fait jaillir le feu des cailloux : en frottant les mots les uns contre les autres.
Mais attention : on ne frotte pas n’importe quoi avec n’importe quoi. Ainsi, dans notre citation, c’est à tort qu’on croirait qu’il faut frotter la fraicheur du matin contre le Printemps pour faire jaillir la grenouille.
Pas du tout. Ça marche autrement : je frotte la grenouille contre le matin, et je fais jaillir la fraicheur du printemps.
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(1) Olympiques – Œuvre de jeunesse de Descartes compilé par Baillet, et qui contient le récit des trois rêves que fit Descartes en 1619. Le manuscrit est aujourd’hui disparu. Voir ici
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