Citation du 21 mars 2012

Il en est de la durée de nos amours comme de celle de nos mariages ; elle va au moins d’une lune à la lune suivante.

Diderot – Supplément au voyage de Bougainville

Diderot imagine un dialogue entre un prêtre, venu évangéliser les tahitiens et Orou, un de leurs vieux sages.

Le prêtre reproche aux jeunes tahitiennes d’être volages :

- Comment savent-elles, demande-t-il, qui est le père de l’enfant qui pourrait être conçu lors de ces ébats ?

Orou, répond alors :

- Elles n’ont qu’un seul amant dans une période de leur cycle menstruel. Ainsi, elles savent au moment de changer de partenaire si elles sont déjà enceintes ou pas.

On connait ici la morale de Diderot : toujours liée à la nature, toujours soumise au jugement du bon sens. Jamais au jugement de valeur – à moins de faire du bonheur la valeur que la nature nous impose.

--> C’est au tahitien qu’il demande de dévoiler cette morale, et au prêtre d’incarner les valeurs mortifères de la morale religieuse. Ce qui ne manque pas d’intérêt, alors que certains tahitiens reprochent aujourd’hui aux français de les avoir réduits à n’être que des « bons sauvages » et d’avoir par-là méconnu leur civilisation réelle.

Reconnaissons qu’il y a en effet une certaine naïveté chez Diderot à imaginer Tahiti comme un lieu enchanté où aucun fantasme ne vient faire obstacle au bonheur. En réalité leurs nuits sont peuplées de fantômes qu’il faut exorciser le jour, et ça les ethnologues l’ont depuis noté abondamment.

Mais je crois qu’on est plus sensible aux règles auxquelles nous obéissons et dont ils s’affranchissent qu’à l’inverse. Notre morale sexuelle (du moins celle connue de Diderot) est parfaitement facultative, puisque les Tahitien s’en passent sans dommage.

Et ils n’ont même pas besoin de test de grossesse.