Wednesday, March 28, 2012

Citation du 29 mars 2012

Les hommes préfèrent l’incertitude de l’horizon intellectuel, et combien, au fond de leur âme, ils haïssent la vérité à cause de sa précision. — Cela tient-il à ce qu’ils craignent tous secrètement que l’on fasse une fois tomber sur eux-mêmes, avec trop d’intensité, la lumière de la vérité ? … n’est-ce que la crainte d’un jour trop clair, auquel leur âme de chauve-souris crépusculaire et facile à éblouir n’est pas habituée, en sorte qu’il leur faut haïr ce jour ?

Nietzsche – Humain trop humain

Notre besoin de connaître n'est-il pas justement notre besoin de familier ? le désir de trouver, parmi tout ce qui nous est étranger, inhabituel, énigmatique, quelque chose qui ne nous inquiète plus ? Ne serait-ce pas l'instinct de la peur qui nous commanderait de connaître ? Le ravissement qui accompagne l'acquisition de la connaissance ne serait-il pas la volupté de la sécurité retrouvée ?...

NIETZSCHE – Le gai savoir [Aph. 355] (1)

Nosce te ipsum. (Connais-toi toi-même)

A Vézelay, sur le portail d’une auberge

Toute phase commençant par « les hommes » devrait être bannie de notre pensée. Car il y a fort à parier que l’on va se voir opposer une multitude de cas qui infirment ce qu’on avance.

Ainsi en va-t-il de cette pensée de Nietzsche – qui d’ailleurs semble s’être chargé lui-même de la contradiction : en face de la peur de la vérité, il place le besoin de sécurité qui accompagne un savoir acquis et honoré comme vrai.

Et vous ? Avez-vous une âme de chauve-souris qu’effraie le grand soleil de la science, ou bien comme le lapin terrifié par un bruit inconnu, vous réfugiez-vous dans le terrier de l’opinion dominante ?

En réalité, on aurait bien mal lu Nietzsche si on s’en tenait là : car ce qu’il oppose, ce n’est pas l’amour du certain et la peur de la certitude. Il nous permet de comparer la certitude sur le monde qui nous entoure à la certitude sur nous-mêmes.

Et voilà où je voulais en venir : délaissant l’opinion qui nous fait croire que nous savons de quoi la planète sera faite demain, intéressons-nous plutôt à nous-mêmes. Est-ce que nous sommes si désireux de savoir qui nous sommes ? Je veux dire : désireux de savoir ce que vraiment nous sommes ? Ne préférons-nous pas faire comme si cette connaissance était impossible, comme si nous étions une réalité aux contours toujours mouvant, tel jour comme-ci, tel autre comme-ça ?

C’est bien ça qu’il y a dans la philosophie sartrienne : quand Garcin, le « héros » de Huis-clos, tente de faire croire que les mobiles de ses actions sont toujours nobles, Inès le ramène inexorablement à sa triste réalité : tu n’es qu’un lâche, tu as été fusillé comme déserteur, et au moment ultime tu n’es même pas mort dignement.

Reste à dire s’il faut en passer par là pour ne plus fuir notre réalité. Rappelons qu’autre fois il existait dans la vie morale des moments appelés « examen de conscience ». Moments douloureux certes par ce que notre âme de chauve-souris y affronte sa propre réalité. Mais moments où nous n’attendons pas des autres qu’ils nous disent « nos quatre vérités ».

- N’empêche… Au portail d’une auberge de Vézelay, il y avait l’écriteau qu’on voit ci-dessus. J’ai été le premier et le seul client…

--------------------------------------------------

(1) Texte complet : « Les hommes préfèrent l’incertitude de l’horizon intellectuel, et combien, au fond de leur âme, ils haïssent la vérité à cause de sa précision. — Cela tient-il à ce qu’ils craignent tous secrètement que l’on fasse une fois tomber sur eux-mêmes, avec trop d’intensité, la lumière de la vérité ? Ils veulent signifier quelque chose, par conséquent on ne doit pas savoir exactement ce qu’ils sont ? Ou bien n’est-ce que la crainte d’un jour trop clair, auquel leur âme de chauve-souris crépusculaire et facile à éblouir n’est pas habituée, en sorte qu’il leur faut haïr ce jour ? »

5 comments:

Anonymous said...

C’est difficile de faire un examen de conscience, mais possible. Faire gaffe, nous ne sommes que les produits de notre éducation et parentale et culturelle. A partir du moment où l’on a commencé cette analyse personnelle, ça ne suffit pas, car on ne sait pas à qui vraiment incombe nos faits et gestes.

Il est bon d’être accompagné dans cette démarche.

Il faut s’en tenir à une vérité universelle- décrétée, estampillée, légiférée-… car la Vérité est éblouissante, trop vive pour nos âmes de chauves-souris.

L’image de soi dans le regard des brebis « égarées » est souvent négative, alors certainement qu’il est plus confortable de baisser les yeux… .

F'(IONANDM)

FRANKIE PAIN said...

je reviendrai plus tard

trop dense pour mes neurones pas bien réveille.

j'aimel'évocation de huit clos..

Jean-Pierre Hamel said...

L’examen de conscience était une pratique religieuse avant d'être psy-
Comme tel il supposait une norme indubitable, puisque sacrée.
En remplaçant le dogme religieux par la coutume locale - forcément discutable et trangressable - alors on a singulièrement compliqué l'évaluation...
Au fond la règle de Nietzsche, à savoir nos devons être notre propre source de valeur sous conditions que celles-ci rendent possible le dépassement de soi, est peut-être le plus simple du point de vue de l'auto-évéluation.

Anonymous said...

Oui... avant d'être du domaine psy... Il est bien plus difficile de lutter contre le dogme que lutter contre les coutumes....

Dépasser nos conditions sociales, c'est qq chose qui est très mal accepté- en général- !

Bonne soirée :-)

F'( CLEVOTA)

Anonymous said...

Ajout:

Et par ceux qui sont du lot et par nos proches!!!

Mais, suffit de le savoir....

F'(ARAMON)