Certes, saint Mathieu a dit : « Malheur à l'homme
par qui le scandale arrive » ; mais la phrase précédant ce mot historique
n'est pas moins importante : « Car c'est une nécessité qu'il arrive des
scandales. »
Paul Morand – Journal inutile 1968-1972
(7 mai 1969) (1)
(7 mai 1969) (1)
Le philosophe n’a pas l’obligation de dire la vérité sur
les évènements qui stupéfient ses concitoyens : car – à supposer
qu’il la connaisse – qui donc le
croirait ? Par contre il doit s’en servir pour amener à réfléchir à nos
certitudes – pour les mettre éventuellement en perspective.
Telle est « l’affaire Cahusac », le scandale
politico-financier qui préoccupe les français au point qu’on parle aujourd’hui
d’un divorce du peuple d’avec ses élites dirigeantes.
Si ce divorce existe c’est que l’on s’imagine que les
hommes politiques doivent avoir un minimum de probité et que leurs fautes dans
ce domaine peuvent – et donc doivent – être éradiquées. Mais on compte pour
cela sur leur bonne volonté et sur la garantie que représente leur passé
irréprochable. Donnons un bon coup de balai nous dit-on, pour chasser ces
misérables indignes de leur fonction, et mettons à leur place des gens enfin
dignes de notre confiance ! Trouvons des saints laïques afin de les élire !
Or Paul Morand nous rappelle opportunément la parole de
Jésus : la faute est impardonnable, mais
elle est aussi inévitable. Ce que signe ce jugement, c’est l’échec de la morale
qui reposerait sur le sentiment du devoir : aucune morale n’a jamais
empêché le mal de régner sur terre. Ne comptez donc pas sur le sentiment du
devoir pour empêcher le scandale de la faute. --> Ne comptez que sur la loi
et sur les sanctions qu’elle inflige.
Car, ce que je ne peux m’empêcher de faire, il convient
que ce soient les autres qui m’en empêchent.
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(1) Évangile chapitre 18 : à lire ici. En attendant, voici le texte exact du passage cité par Morand :
Matthieu 18 /6-7. « [6] Mais, si quelqu'un
scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui
qu'on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu'on le jetât au fond de la
mer. [7] Malheureux le monde
à cause des scandales! Car il est nécessaire qu'il arrive des scandales; mais
malheur à l'homme par qui le scandale arrive! »
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