La bise de Grignan [= qui règne à Grignan, en Provence] ....
me fait mal à votre poitrine.
Marquise de Sévigné –
Lettres (1646-1696), à Mme de Grignan (sa fille), 29 décembre 1688 (Lettre 274
à lire ici – attention aux coquilles !)
Les mamandises… On en parlait hier comme de ces préceptes
péremptoires de nos mamans qui ont fini par se mêler si intimement à notre
mémoire que notre personnalité les intégrées comme un constituant personnel.
Il est temps maintenant d’en donner un exemple. Il y a
peu de mamans qui ont donné tant de preuve de leur tendresse maternelle que
madame de Sévigné. Ici elle écrit à sa fille, partie loin d’elle à Grignan
(dans la Drôme) région exposée au vent de bise (ce que l’on appelle
aujourd’hui le mistral)
La bise de Grignan … me fait mal à votre poitrine : on
pense à cette phrase (citée dans la définition en bas de page du document
publié hier) qui parait recouper celle de Madame de Sévigné : Couvre
toi, j’ai froid.
De quelle mamandise s’agit-il aujourd’hui ? D’un
interdit ? Non, certes. D’un précepte moral ? Pas plus. Il s’agit de
cette certitude de la maman de ressentir en elle ce que doit ressentir son
enfant. La douleur est sans doute l’une des plus intimes expériences que l’on
puisse faire de son propre corps. Et voilà qu’elle s’éveille en survenant d’un
autre corps, un corps tellement proche de soi qu’on ressent en soi les
souffrances en lui : entre celui-ci et celui-là, la frontière s’est
effacée. Plus encore que de l’empathie, c’est un état fusionnel.
Mais c’est aussi un état que les psys nomment le transitivisme – non pathologique il est
vrai (1).
Comme le disent les psys il s’agit pour la maman de faire
que son savoir se transforme en demande du petit. (Voyez en annexe un extrait
de l’article de Bergès et Balbo en introduction à Lacan)
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(1) Transitivisme pathologique : « Transfert
d'une sensation ou d'un sentiment sur un objet ou une personne extérieure,
reposant sur la perte des limites strictes entre le sujet et le monde extérieur »
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Annexe :
Du côté de la mère : il est … d’observation commune qu’à
la vue de son enfant en danger de tomber, par exemple, ou qui vient de faire
une chute et n’en manifeste rien, elle s’en trouve affectée et n’hésite pas à lui
exprimer son affect de douleur, de manière certes démonstrative, mais surtout
parfaitement articulée et démontrée dans la parole. Et ce qu’elle éprouve et
exprime par-là est une certitude parce qu’elle soutient son affect d’un réel. …
[Traduction ] :
Le transitivisme n’est pas seulement ce que la mère éprouve et démontre, c’est
aussi ce processus qu’elle engage, quand elle s’adresse à son enfant parce
qu’elle fait l’hypothèse d’un savoir chez lui, savoir autour duquel son adresse
va circuler comme au tour d’une poulie, pour lui revenir sous la forme d’une
demande, demande qu’elle suppose être celle d’une identification de son enfant
au discours qu’elle lui tient.
Jean Bergès et
Gabriel Balbo – En quoi consiste le transitivisme?
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