De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde,
et même hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour
bon, si ce n’est seulement une bonne
volonté.
Kant – Fondements de
la métaphysique des mœurs (1ère section)
La morale est dans les faits, pas dans les sentiments. Si
je soigne mon père, je peux m'amuser à désirer sa mort.
Jules Renard –
Journal (1er octobre 1898)
Morale Kantienne –
I
Deux conceptions de la morale, en parfaite contradiction
l’une avec l’autre : si l’une a raison, l’autre a nécessairement tort.
Aujourd’hui, la morale a pris le devant de la scène en
raison des déboires de nos politiciens corrompus ; et du coup beaucoup se
demandent à quoi reconnaitre qu’une action est morale.
Faut-il en évaluer les conséquences ? Ou bien
faut-il regarder plutôt du côté des mobiles – et donc savoir ce qu’a voulu
l’agent de l’action ?
Je laisse de côté la conception kantienne parce qu’elle
est me semble-t-il la mieux connue, déjà par les moralistes français (qu’on
pense à La Rochefoucauld). Par contre Jules Renard est moins traditionnel, mais
aussi concevable : il est rejoint par tous ceux qui disent – par exemple –
« en amour il n’y a que les actes d’amour qui comptent ». Qu’importe
que j’aime mon père si je ne fais rien pour lui quand il en a besoin ? Et
quand je l’aide, qu’importe que je souhaite sa mort ? A moi de me
débrouiller avec mes contradictions – et puis, de toute façon, que sais-je de
mes mobiles véritables ? La psychanalyse nous a habitués à l’ambivalence
des sentiments : le sentiment amoureux peut fort bien être attaché à une
pulsion haineuse soigneusement refoulée et donc ignorée de moi.
Et donc ? On peut parfaitement légiférer pour moraliser la vie publique, comme se propose
de le faire le gouvernement. Je sais bien que ça fait rire dans pas mal de
milieux : Comment ? Faire une loi pour obliger à être vertueux ?
Qui donc va sonder les cœurs et les reins pour mesurer la dose de Bonne Volonté
apportée par chacun à ses actions ? Peut-on être vertueux par
obligation ?
L’ambiguïté porte sur le terme de « moralisation » : s’agit-il
donc de rendre vertueux ?
Je préfère quant à
moi être du côté de Renard plutôt que de Kant : en politique, la
morale est dans les faits. Quand bien même il n’y aurait que ça, ce serait déjà
mieux qu’aujourd’hui.
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