Il y a toujours quelque chose de ridicule dans les émotions
de ceux que nous avons cessé d'aimer.
Oscar
Wilde – Le Portrait de Dorian Gray
Hey ! NIA-GA-RA / Je t'en prie sè-che tes joues /Ne pleure
pas / Hey ! / Tu vas faire mon-ter la Sei-ne
Ces
émotions qui nous rendent ridicules – 2
Imaginez un peu : vous annoncez à votre amoureuse que
vous ne l’aimez plus et que vous la quittez. Elle renifle, elle pleure, elle sanglote,
elle se traine à vos pieds. Vous lui chantez : Hey ! NIA-GA-RA / Tes san-glots - sont si longs / Que je m'y noie
/ Hey ! / De-main ma-tin je m'en vais
pren-dre le train / Je t'en prie res-te chez toi.
o-o-o
Lucide et cruel : tel était Oscar Wilde. Selon lui, les
personnes que nous n’aimons plus, non seulement nous ennuient de leurs
chagrins, mais encore elles sont ridicules. Oui, le malheur de ne plus être
aimé nous rend risibles, dérisoires, voire même grotesques.
On peut refuser avec indignation ce genre de remarque :
l’expression du malheur signifie seulement qu’il est trop grand pour être
contenu. « Je n’en peux plus, retenir mes larmes ne serait possible
que si j’étais moins malheureux(se). Se moquer de mes cris et de mes sanglots
c’est ajouter le cynisme à la cruauté. »
La perte de l’amour n’est pas n’importe quel malheur :
pourquoi nous rendrait-il plus ridicules que le chagrin du deuil ?
Autrefois, il y avait des pleureuse payées pour gémir lors des
funérailles : était-ce parce qu’elles savaient mieux pleurer que les autres, qu’elles impulsaient une émotion
contagieuse ?
Evidemment, ce ne sont pas ces larmes-là qui sont ridicules, mais celles de cette
pauvre NIA-GA-RA, pauvre fille abandonnée et qui pleure comme une pauvre petite
que ses parents ont laissée toute seule à la maison.
Le chagrin d’être abandonné nous fait retomber en petite
enfance, chuter de l’altitude de l’adulte et, ça fait rire : c’est un peu
comme se casser la figure sur le trottoir : c’est ce qui, selon
Bergson, révèle l’essence même du risible.
(L’ouvrage de Bergson est à lire ici)
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