Vers
quel horizon sublime faut-il lever les yeux ? (…) L’avenir
de l'art contemporain (est) dans la recherche d'une expression des
nouveaux visages du sacré, de la transcendance dans l'immanence qui seule
désormais convient à un monde démocratique.
Luc
Ferry, Y a –t-il une beauté
moderne ? In La sagesse des
Modernes, (A Comte-Sponville et Luc Ferry, Pocket, 1999)
Quand
on parle de l’art contemporain, vers quel
horizon sublime faut-il lever les yeux ? La question est
beaucoup plus évidente qu’il n’y parait : l’œuvre d’art se reconnaît à une
profondeur, un éclat, bref : une transcendance sans la quelle elle n’est
rien d’autre qu’un banal objet, éventuellement décoratif. La beauté dont on faisait
habituellement son exclusivité jouait ce rôle.
Mais, depuis que Duchamp a crayonné des moustaches à la Joconde, plus rien ne vient soutenir cette transcendance. L’art descendu de son
piédestal, désacralisé, a perdu toute sublimité. Du coup, les musées d’art
modernes en sont venus à accueillir n’importe quoi, à condition que les
critiques d’art crient très fort au génie et que ce soit très cher.
Jeff
Koons – dont l’exposition à Beaubourg fait polémique.
Bref : comment restaurer cette dimension privilégiée de
l’art ? Comme redonner à l’œuvre d’art son aura sans pour autant être
obligé de se relancer dans des arguties sur la beauté ?
Il faut re-sacraliser l’œuvre d’art, et cela dans un monde
« démocratique » (Luc Ferry) – en tout cas désenchanté pour
reprendre l’expression de Max Weber (1).
Luc Ferry répond : transcendance
dans l'immanence. Paradoxe, oxymore (2) ? Rien de tout cela ne
fait avancer le problème. Sauf qu’on devine (après avoir lu son débat avec
Marcel Gauchet (3)) que Ferry fait référence au déplacement du sacré vers
l’individu, vers la valeur de l’intériorité et son élargissement vers l’autre
dans l’amour. L’homme, non comme essence mais comme individualité, est devenu
cet horizon indépassable de valeur dont nous parlions en commençant.
Et l’art dans tout ça ? Suivant la thèse de Luc Ferry,
c’est dans l’individu que se trouve la source de la transcendance, de cet
espace non-clos dont l’horizon ouvre sur le lointain. C’est donc au créateur que l’œuvre doit sa qualité
d’œuvre d’art : ce qui fait d’une
œuvre de Jeff Koons une œuvre d’art, c’est qu’elle nous montre non pas ce que
cet homme porte en lui, mais ce qui peut jaillir en lui à titre de nouveauté
radicale.
Pour ma part, j’ai un peu de mal à penser la transcendance
sur le mode de l’hyper-immanence : mais enfin, libre à chacun de vivre son œuvre comme ça :
Jeff
Koons avec l’une de ses créations
(1) « Le désenchantement du monde [dans l'esprit de Weber], ce
n'est pas seulement la négation de l'interférence du surnaturel dans l'ici-bas,
mais aussi : la vacance du sens. » C. Colliot-Thélène, Max Weber et l'histoire,
PUF, 1990, p. 66
(2) « Le transcendant est ce qui est au-delà, ce
qui dépasse, surpasse, en étant d'un tout autre ordre
Est immanent le principe dont non seulement l'activité
n'est pas séparable de ce sur quoi il agit, mais qui le constitue de manière
interne. L'idée d'immanence est en corrélation avec celle de transcendance, qui
est le fait d'avoir une cause extérieure et supérieure. » Art. Wiki.
(3) Luc FERRY, Marcel GAUCHET, Le religieux après la religion, Paris, Grasset, 2004.
2 comments:
Oui, Jean-Pierre, comme vous j'ai quelquefois du mal à m'extasier sur certaines œuvres d'art contemporaines!
Pour le plaisir, "La Belle Dame sans Merci", peinture de Frank Bernard Dicksee
Là:
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Belle_Dame_sans_merci_%28po%C3%A8me%29#mediaviewer/File:La_Belle_Dam_Sans_Merci.jpg
Et,joyeuse St Nicolas- très fêté en Lorraine
Fany
Voici une peinture fort "courtoise" en effet ! Je ne connaissais pas, merci de me l'avoir fait découvrir
Bon dimanche
J-P
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