Thursday, December 04, 2014

Citation du 5 décembre 2014

Jeune, je demandais aux êtres plus qu'ils ne pouvaient donner : une amitié continuelle, une émotion permanente. Je sais leur demander maintenant moins qu'ils ne peuvent donner : une compagnie sans phrases. Et leurs émotions, leur amitié, leurs gestes nobles gardent à mes yeux leur valeur entière de miracle : un entier effet de la grâce.
Albert Camus – Carnets
Remarque personnelle – J’hésite à commenter cette citation : j’ai le sentiment que je ne pourrais qu’atténuer sa portée en l’éclairant. C’est qu’elle exprime si bien ce que j’ai personnellement toujours ressenti : c’est ma propre pensée que Camus dévoile tranquillement comme ça, en toute transparence.
Je tente tout de même l’aventure – au risque de rester en retrait du sens « vécu ».

On dit souvent que la jeunesse est excessive, qu’elle est entière et que, si elle se livre sans partage, elle exige en retour qu’on soit à la hauteur de l’absolu dont elle a besoin pour vivre. La jeunesse exige le miracle comme un dû.
La sagesse qui vient avec l’âge (selon Platon, après 50 ans), apporte la modération : ne jamais demander aux autres plus qu’ils peuvent donner, mais moins : rien qu’une une compagnie sans phrases. Façon de ne pas être déçu ? Voilà qui est raisonnable, en effet, mais ça n’a rien d’extraordinaire.
Lisons la suite : Et leurs émotions, leur amitié, leurs gestes nobles gardent à mes yeux leur valeur entière de miracle : un entier effet de la grâce. Ne plus exiger le miracle, mais le recevoir comme une grâce.
o-o-o
- Spécial confidence : c’est là que mon propre vécu intervient. Pour moi aussi, tout ce que l’on me donne en plus est l’effet une grâce. C’est une grâce parce que je ne m’y attendais pas, certes ; mais surtout parce que je ne me sentais pas en droit de l’exiger : recevoir un tel don est un véritable ravissement.
Il y a certes des personnes qui ne connaitront jamais ce ravissement : ce sont des gens qui sont restés comme l’enfant dont parle Camus : ils continuent d’exiger plus qu’on ne peut leur donner. « Moi, diront-ils je sais ce que je vaux ; que vous ne le possédiez pas, et donc que vous ne puissiez pas me le donner, ça ne changera rien : j’aurai le sentiment d’être la victime d’une l’injustice. »

Le ravissement dont parle Camus est l’apanage des gens modestes – je veux dire des gens qui on la certitude qu’on ne leur doit rien et que, quoiqu’ils reçoivent, c’est déjà un cadeau bénévole.

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