Jeune, je demandais aux êtres
plus qu'ils ne pouvaient donner : une amitié continuelle, une émotion
permanente. Je sais leur demander maintenant moins qu'ils ne peuvent donner :
une compagnie sans phrases. Et leurs émotions, leur amitié, leurs gestes nobles
gardent à mes yeux leur valeur entière de miracle : un entier effet de la
grâce.
Albert Camus – Carnets
Remarque personnelle – J’hésite à commenter
cette citation : j’ai le sentiment que je ne pourrais qu’atténuer sa
portée en l’éclairant. C’est qu’elle exprime si bien ce que j’ai
personnellement toujours ressenti : c’est ma propre pensée que Camus
dévoile tranquillement comme ça, en toute transparence.
Je tente tout de même l’aventure – au risque de
rester en retrait du sens « vécu ».
On dit souvent que la
jeunesse est excessive, qu’elle est entière et que, si elle se livre sans
partage, elle exige en retour qu’on soit à la hauteur de l’absolu dont elle a
besoin pour vivre. La jeunesse exige le miracle comme un dû.
La sagesse qui vient avec
l’âge (selon Platon, après 50 ans), apporte la modération : ne jamais
demander aux autres plus qu’ils
peuvent donner, mais moins : rien
qu’une une compagnie sans phrases.
Façon de ne pas être déçu ? Voilà qui est raisonnable, en effet, mais ça
n’a rien d’extraordinaire.
Lisons la suite : Et leurs émotions, leur amitié, leurs gestes nobles gardent à mes yeux leur valeur entière de miracle : un entier effet de la grâce. Ne plus exiger le miracle, mais le recevoir comme une grâce.
Lisons la suite : Et leurs émotions, leur amitié, leurs gestes nobles gardent à mes yeux leur valeur entière de miracle : un entier effet de la grâce. Ne plus exiger le miracle, mais le recevoir comme une grâce.
o-o-o
- Spécial confidence : c’est
là que mon propre vécu intervient. Pour moi aussi, tout ce que l’on me donne en plus est l’effet une grâce. C’est
une grâce parce que je ne m’y attendais pas, certes ; mais surtout parce
que je ne me sentais pas en droit de l’exiger : recevoir un tel don est un
véritable ravissement.
Il y a certes des personnes
qui ne connaitront jamais ce ravissement : ce sont des gens qui sont
restés comme l’enfant dont parle Camus : ils continuent d’exiger plus
qu’on ne peut leur donner. « Moi, diront-ils je sais ce que je vaux ;
que vous ne le possédiez pas, et donc que vous ne puissiez pas me le donner, ça
ne changera rien : j’aurai le sentiment d’être la victime d’une
l’injustice. »
Le ravissement dont parle
Camus est l’apanage des gens modestes – je veux dire des gens qui on la
certitude qu’on ne leur doit rien et que, quoiqu’ils reçoivent, c’est déjà un
cadeau bénévole.
No comments:
Post a Comment