Manuela
Carmena (Maire de Madrid) – Libé du 5-6 décembre 2015
Commentaire
II
Pour
ceux qui estiment que cette belle pensée mérite mieux que ce qu’on a raconté
hier.
Bien sûr, l’idée est qu’on devrait être attentif à ne pas
souiller les trottoirs en jetant des papiers froissés ou en laissant notre chien
merder n’importe où. Mais après tout qu’importe ? Si on passe le karcher
derrière moi, pourquoi m’en soucierais-je ? ça coute des impôts
aux contribuables ? La belle affaire ! Ce n’est pas mon problème, et
puis ça réduit le chômage avec cette armée de balayeurs mobilisés derrière mon
toutou.
o-o-o
Seulement, voilà : la pollution ne se ramasse pas toujours
aussi facilement que les souvenirs laissés par mon chien sur les trottoirs. Les
exhalaisons de mon pot d’échappement se dispersent dans l’air, façon aérosols
mortifères, avec gaz en tout genre et particules fines qui pénètrent jusqu’au
tréfonds des poumons. Même en supposant un pouvoir technique que nous n’avons
pas, comme celui de nettoyer l’air que nous respirons, on n’y arriverait
jamais.
Quoique… Imaginons que l’on construise des buildings dans
les quels l’air serait non seulement climatisé, mais filtré, nettoyé, pour
devenir respirable avec taux d’oxygène contrôlé et parfum de pinède en
prime : qui donc selon vous aurait le privilège de vivre dans de tels
immeubles ? Oui, bien sûr : les riches, parce que désormais il faudrait
payer pour respirer – comme on paye pour boire de l’eau propre.
o-o-o
Soyons un peu sérieux, mais quand même : demandons-nous
quel pouvoir pourrait imposer de respecter les normes antipollution
suffisamment sévères pour éviter de salir la ville. J’évoquais il y a un instant
la pollution due aux voitures. Les mesures pour l’éviter sont des mesures qui
portent atteinte aux libertés publiques, en particulier à la liberté de jouir
de son bien comme d’utiliser sa voiture personnelle.
La
pollution en Chine. Ne demandez pas dans quelle province ? C’est
n’importe où !
On sait les risques énormes pour la santé engendrée par la
pollution à Beijing. Le gouvernement chinois a pris des mesures draconiennes
telles que l’interdiction de posséder une nouvelle voiture, de circuler avec
quand l’alerte rouge est déclenchée, ou de faire fonctionner des usines
polluantes quand on atteint le pic de la contamination.
Dur… Mais les chinois sont habitués à filer doux quand le
gouvernement a décidé quelque chose, ils obéissent – et pas seulement parce
qu’ils sont confucéens : on dit que les prisons ne sont pas très
accueillantes là-bas.
Quant aux chiens, pas de risque de les voir trainer et
crotter sur les trottoirs : on a de très bonnes marmites pour les
accueillir.
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