En toute espèce de biens, posséder est peu de chose ; c’est
jouir qui rend heureux.
Beaumarchais
– Le Barbier de Séville
Beaumarchais est réputé pour avoir été l’un des détonateurs
de la révolution française en faisant applaudir Figaro, le roturier qui
ridiculise les nobles et qui proclame que leurs privilèges sont exorbitants.
Nous ne sommes plus au 18ème siècle, les
privilèges de la noblesse ne sont qu’un vague souvenir et pourtant le potentiel
subversif du Barbier de Séville n’est
pas épuisé. Car voilà ce que nous dit Figaro : pour jouir, il n’est pas nécessaire de posséder !
- Oui, bien sûr, jouir du ciel bleu et de l’amour de notre
bien-aimée, voilà qui ne coûte rien.
Quoique… Pour être aimé, ne faut-il pas être habillé par Armani, parfumé par Jean-Paul Gaultier, et apparaître au
volant d’une BMV ? Et pour jouir
de l’air pur et du soleil, ne faut-il pas les doux alizés des tropiques, et le
sable-blanc-mer-bleue du lagon – 1500 euros en hôtel 3 étoiles avec vol Air Caraïbes ?
On me dira : bien sûr, mais ça c’est à chacun de voir.
A chacun de trouver son bonheur là où sa bourse lui permet d’aller. Et s’il
sait le faire, qui l’empêche de trouver son bonheur avec la petite voisine d’en
face ? Etre heureux avec une
chaumière et un cœur, ça ne date pas d’aujourd’hui !
Bien sûr… Mais écoutez un peu les info : pas une
journée où on ne vous dit pas ce qu’il en est de la consommation de Noël ;
pas un moment de répit avec ces Villages
de noël qui vous invitent à délier votre bourse pour acquérir ces
magnifiques articles d’artisanat du sud-est asiatique à déposer au pied du
sapin.
Ce ne sont pas simplement les habitudes de consommation qui
sont mises en cause par Beaumarchais. C’est la base même de la société :
car comment croire que le moteur économique principal de la société – je veux
dire la consommation des ménages – ne risque pas de tomber en panne si l’on
imagine que c’est jouir et non posséder qui rend heureux ?
Allez ! Embastillez moi ça !
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