La sécurité
est (considérée comme) l’objet même de l’engagement en société́.
Marcel Gauchet – La démocratie contre elle-même
Voilà un principe qui remonte à Hobbes et qui paraît aujourd’hui tellement banal qu’il est à
peine utile de le rappeler : le gouvernement s’évertue d’ailleurs à montrer combien il est soucieux d’assurer la
sécurité des français, quitte à rogner un peu de nos libertés fondamentales.
Seulement voilà ce qui complique un peu les choses : le droit
n’a pas une racine, mais deux.
- Il y a les droits qui
supposent une intervention active de l’Etat, comme le droit au travail, au
logement, à l’assistance, à l’éducation, etc. Ces droits confèrent à l'individu le droit d'exiger certaines
prestations de la part de la société ou de l'État, comme ceux dont on vient de
faire l’énumération ; ils impliquent une intervention, une action
positive, comme de protéger les citoyens en assurant leur sécurité. La sécurité
des citoyens lorsqu'elle dépend de mesures prises par l’Etat, est donc
un droit-créance. (1)
- Et puis il y a aussi les
« droits-liberté » qui
garantissent à l’individu la liberté d’opinion, d’action, etc. La liberté des
citoyens doit être protégée et en particulier contre le pouvoir envahissant et
arbitraire de l’Etat. On arrive ainsi à la contradiction qui oppose ces deux
versants du droit : là où le pouvoir protège
la sécurité, le même pouvoir détruit
aussi la liberté, comme le rappelle fort justement le célèbre aphorisme de
Valéry : Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons. (2)
Ces deux
droits sont donc en opposition l’un par rapport à l’autre, mais ne pourrait-on
pas les concilier en subordonnant l’un à l’autre ?
Vérifions :
- L’état d’urgence. On le voit sans
peine dans les débats qui agitent la classe politique : l’état d’urgence
suppose bel et bien qu’on puisse réduire le domaine de la liberté :
celle-ci étant jugée subalterne par rapport à la sécurité – d’abord survivre,
et puis après vivre libre. Jusqu’où faut-il aller ? On peut évoquer le Patriot act de W. Bush qui donnait à la
police des pouvoirs liberticide : les américains n’ont pas souhaité le
prolonger, eux qui ont toujours fait preuve de la plus grande méfiance à
l’égard du pouvoir fédéral.
- Peut-on identifier les deux ?
Certains disent que la première des libertés est la sécurité. D’autres plus
radicaux sans doute, reprennent la phrase de Saint Just : Pas de liberté pour les ennemis de la
liberté.
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(1) On les
appelle « droits créance », par opposition aux « droits
liberté » dont on parle ensuite. Lire ici.
(2) Paul Valéry – Regards sur le monde actuel (Cité le 27/05/2007)
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