La réaction sociale qui constitue la peine est due à
l’intensité des sentiments collectifs que le crime offense ; mais, d’un
autre côté, elle a pour fonction utile d’entretenir les sentiments au même
degré d’intensité, car ils ne tarderaient pas à s’énerver (= perdre leur
énergie) si les offenses qu’ils subissent n’étaient pas châtiées.
Émile
Durkheim – Règles de la méthode sociologique p. 95-96
Nous
posions hier la question : la déchéance nationale, dans ma mesure où elle
serait une sanction inopérante à l’encontre des crimes de terrorismes,
doit-elle être malgré tout infligée ?
On sait que la déchéance nationale pour sanctionner les
crimes de terrorisme est une mesure qui divise la classe politique, mais
pas l’opinion publique qui lui est massivement favorable.
Beaucoup considèrent même qu’elle est la seule appropriée :
c’est une réaction d’indignation devant un acte qui vise à détruire des hommes
et des femmes parce qu’ils sont français : « Nous refusons que ces
criminels puissent prétendre faire partie de notre peuple ! »
Mais faut-il donner suite à un tel sursaut populaire ?
Ne s’agit-il pas d’un appel au lynchage auquel il faut résister ?
C’est précisément cette hésitation que Durkheim veut
dissiper : selon lui, ces réactions sociales sont non seulement
nécessaires à la vie collective, mais il faut aussi les activer et c’est
justement une des fonctions de la sanction pénale : /la peine/ a pour fonction utile d’entretenir les sentiments
/collectifs offensés par le crime/ au même degré d’intensité (Citation
ci-dessus)
Un interdit ne peut être violé sans qu’une sanction vienne
châtier le coupable. L’intensité de la punition doit être proportionnelle à
l’offense, et si aucune punition ne peut être à la hauteur du crime, une
sanction symbolique, telle que l’ostracisme ou la déchéance de nationalité
peuvent être infligée. (1)
La punition a deux fonctions : l’une tournée vers le
fautif, qu’il faut sanctionner (voire même décourager de passer à l’acte) ;
l’autre tournée vers la faute pour « dédommager » la loi de la
violence dont elle a été l’objet. Bien sûr, la loi n’est qu’un symbole et la
punition vise surtout à « dédommager » les citoyens de la violence dont
la loi a été l’objet.
On dira qu’avec de telles théories on n’est pas loin de voir
réapparaitre les carcans et les gibets. Et alors ? J’ai comme l’idée que
certains seraient près à tenter l’expérience. Où ça ? A Béziers bien
sûr !
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(1) De fait l’ostracisme n’était pas chez les athénien une
sanction symbolique :
« L’ostracisme, à Athènes, est une mesure politique et
non judiciaire : elle est prise par l’ensemble des citoyens réunis dans
l’ecclésia, avant que ne commencent les opérations électorales qui désigneront
les magistrats de l’année. Il n’y a pas de débat, rien qui ressemble à un
procès (ce qui la différencie de l’atimie) ; on peut dire qu’elle est «
préventive », car elle vise à éliminer du jeu politique un citoyen que l’on
soupçonne de vouloir s’emparer du pouvoir. Elle ne le prive pas de ses droits
civils, mais est un simple éloignement (et comme il faut être présent pour
exercer ses droits de citoyen, c’est une privation des droits politiques). Elle
ne visait que des citoyens « en vue ».
Elle est temporaire à Athènes, et souvent révoquée avant son
terme. » (Note de Daniel Roche)
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