Friday, January 29, 2016

Citation du 30 janvier 2016

C’est le paradoxe suprême de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne puisse penser
Kierkegaard


Ci-dessus : « Mise au point de la pilule qui rend la lecture de Kierkegaard compréhensible du premier coup »
Plonk et Replonk – Voir ici

Cette carte humoristique paraît d’abord inspirée par le nom  épouvantablement compliqué de Kierkegaard (ah ! ce double « a » ! et encore on laisse de côté le prénom : Søren avec le « o » barré) – mais on aurait tort : après tout, en danois le nom Kierkegaard signifie « ferme de l’église », pas plus compliqué de Dupont, qui devait habiter près d’un pont.
La difficulté de lire Kierkegaard viendrait-elle de son style ou de la complexité de sa pensée ? Pas plus, même si ces gros livres sont parfois assommants (1).
Non : selon Kierkegaard le principal objet de la pensée – et donc des livres où elle se déploie – est de se confronter à l’impensé c’est à dire essentiellement à l’impensable.
Au sens trivial, l’impensable peut en effet être quelque chose qu’on imagine mais qu’on refuse de prendre pour objet de réflexion : c’est quelque chose d’improbable, qui ne saurait exister ou qui ne le devrait pas. Mais bien sûr, on a ici affaire à autre chose : la transcendance qui ne peut se mettre en mots qui sont toujours liés à des concepts, c’est à dire à des significations générales.

On a ainsi un lien qui s’établit entre l’illisible et l’indicible. Et c’est toute la difficulté de la philosophie (mais pas seulement d’elle) que de savoir de quelle nature est l’illisible. Il se peut que le texte soit-il difficile à lire parce que la phrase épouse trop étroitement la complexité de la pensée. Bien sûr, il se peut que l’illisible ne soit qu’une ruse pour faire croire à la profondeur de la pensée : « Il ont troublé leur eau pour la rendre plus profonde » disait Nietzsche de certains métaphysiciens. Mais enfin, si des générations entières de philosophes se sont échinées à comprendre ce que voulaient dire leurs congénères on veut croire que ce n’est pas pour rien. Pourquoi tant d’efforts si ce n’est pour saisir une pensée de la transcendance ?
Oui, mais nous, simples lecteurs, saurons-nous vaincre la difficulté ? On sait que Kant avait un ami qui lui reprochait la difficulté lire  ses textes : « Quand je lis, disait-il, je mets un doigt sur le sujet un autre sur le verbe, un troisième sur le complément. Mais avec toi, je n’ai jamais assez de doigts pour aller jusqu’au bout de tes phrases ! » Oui, pour ce monsieur, la découverte de la pilule facilitant la lecture serait une bénédiction. Mais pour celui qui recherche le contact avec le transcendant, alors une telle facilitation serait trompeuse, elle donnerait directement sur le contre-sens.
Reste que l’expression de l’impensable ne peut se faire que grâce à une sorte de théologie négative : faute de pouvoir dire ce qui est pensé, on peut dire ce qu’il n’est pas.
-------------------------------

(1) Un conseil : si vous voulez lire Kierkegaard, commencez par ses sermons : beaucoup plus simples. Il ne s’agissait quand même pas d’endormir les fidèles pendant le culte !

No comments: