Il n’y a pas
de livres, il n’y a que des lectures.
Eric-Emmanuel Schmitt
Dans Le Plaisir du texte, en 1973, Proust est présenté́ comme l’œuvre
même de plaisir, celle qu’on relit sans
jamais y sauter les mêmes passages.
Antoine Compagnon – Proust et moi (1)
- Il n’y a pas de livres, il n’y a que des
lectures.
C’est un peu
facile de répondre : - Oui, mais s’il n’y avait pas de livres, il n’y
aurait pas de lectures du tout ! En fait l’idée est claire : la
lecture consiste en certaines opérations et réactions au contact du texte, qui
lui donnent du sens en qui impliquant le lecteur au premier degré, en tant
qu’il déchiffre ce texte dans le contexte d’une culture également partagée.
Mais ce n’est
pas tout : sans les dispositions personnelles du lecteurs, sans son
intelligence, sa sensibilité, il n’y aurait pas d’interprétation fine, donc pas
de lecture – d’ailleurs on sait ce qu’il en est des traductions automatiques
qui sont souvent bien surprenantes. D’un lecteur à l’autre pour autant qu’on
puisse le vérifier, les lectures sont différentes, elles se complètent certes,
elles ne se recouvrent jamais exactement, d’où l’intérêt des échanges entre
lecteurs.
Bon. – Mais
que dire des lectures successives du même livre par le même lecteur ?
Selon le moment, l’humeur, l’âge (cas du livre d’enfance relu devenu adulte),
on peut découvrir des aspects nouveaux ignorés auparavant, ou alors perdre des
impressions dont on gardait pourtant le souvenir : il y a autant de livres
dans un livre qu’il peut soutenir de lectures différentes du même lecteur.
- Ajoutons
maintenant la thèse développées par Barthes dans Le Plaisir du texte : le lecteur qui se donne du plaisir en
lisant est un lecteur primesautier ; pour prolonger sa jouissance il met
bout à bout les passages du texte qui l’excitent en sautant les pages qui ne
lui en donnent pas. On songe bien sûr à la lecture de livres licencieux pratiquée
par des adolescents onanistes ; mais pas seulement et croire cela serait
tomber dans le piège tendu par notre facétieux sémiologue ! Tout lecteur
pour autant qu’il se passionne pour sa lecture en fait autant.
Or, et voici
l’essentiel : il est des livres si riches de sens et de beautés qu’on ne
peut en jouir en une seule fois. Il faut repartir plusieurs fois à leur
découverte, et caracolant, de pages en
pages, sautant pardessus certaines (déjà lue) pour en retrouver plus vite
d’autres (laissées de côté auparavant), faisant ainsi des rapprochements
inaperçus, réarrangeant les couleurs et la poésie, nous voici lisant pour ainsi
dire un nouveau livre.
La recherche du temps perdu doit faire si j’ai bonne mémoire environ
2500 pages qu’on peut lire, selon notre disposition poétique, plusieurs
fois. Voilà un investissement qu’on n’aura pas à regretter !
La suite à demain, si vous
le voulez bien !
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(1) Pour des
raison inconnue je ne retrouve plus mon exemplaire de ce livre : j’en suis
réduit à le citer d’après cet article. Mais c’est aussi l’occasion de découvrir
cette analyse de l’œuvre de Barthes. C’est tout bénéfice !
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