Friday, January 22, 2016

Citation du 23 janvier 2016

La légèreté, elle est partout, dans l’insolente fraîcheur des pluies d’été, sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit, dans la rumeur des cloches d’un monastère à l’heure des offices, une rumeur enfantine et vibrante, dans un prénom mille et mille fois murmuré comme on mâche un brin d'herbe, dans la fée d’une lumière au détour d’un virage sur les routes serpentines du Jura, dans la pauvreté tâtonnante des sonates de Schubert, dans la cérémonie de fermer lentement les volets le soir, dans une fine touche de bleu, bleu pale, bleu-violet, sur les paupières d’un nouveau-né, dans la douceur d’ouvrir une lettre attendue, en différant une seconde l’instant de la lire, dans le bruit des châtaignes explosant au sol et dans la maladresse d’un chien glissant sur un étang gelé, j’arrête là, la légèreté, vous voyez bien, elle est partout donnée.
Christian Bobin – La Folle allure
Aujourd’hui pas de citation-sentence-définitive, où on résume en trois mots toute la sagesse du monde. Au contraire, un texte long et répétitif que le lecteur se décourage de lire jusqu’au bout.
Alors, pourquoi ce pensum ? me direz-vous.
Eh bien parce que je voudrais qu’on considère l’effort minimum qui doit accompagner toute lecture : de savoir de quoi on parle dans le texte qu’on lit. Ici, Bobin nous donne 10 exemples de légèreté, histoire de nous convaincre qu’on pourrait allonger la liste indéfiniment. Soit. Mais alors qu’y a-t-il de commun entre ces 10 situations ? Ou si vous préférez, quel synonyme de « légèreté » pourrait convenir à ces 10 cas ?
Pour vous aider, je reproduis la citation en détaillant :
« La légèreté, elle est partout,
            1- dans l’insolente fraîcheur des pluies d’été,
            2- sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit,
            3- dans la rumeur des cloches d’un monastère à l’heure des offices, une rumeur enfantine et vibrante,
            4- dans un prénom mille et mille fois murmuré comme on mâche un brin d'herbe,
            5- dans la fée d’une lumière au détour d’un virage sur les routes serpentines du Jura,
            6- dans la pauvreté tâtonnante des sonates de Schubert, 
            7- dans la cérémonie de fermer lentement les volets le soir,
            8- dans une fine touche de bleu, bleu pale, bleu-violet, sur les paupières d’un nouveau-né,
            9- dans la douceur d’ouvrir une lettre attendue, en différant une seconde l’instant de la lire,
            10- dans le bruit des châtaignes explosant au sol et
            11- dans la maladresse d’un chien glissant sur un étang gelé,
--> j’arrête là, la légèreté, vous voyez bien, elle est partout donnée. »

Certains voudront échapper à l’exercice en disant : on connaît bien ça ! C’est une anaphore, procédé rhétorique bien connu depuis que François Hollande l’a utilisé dans le débat avec Nicolas Sarkozy en mai 2012 ; vous savez « Moi, Président… » répété 15 fois.
C’est vrai, mais après tout qu’importe : un procédé rhétorique peut avoir bien des usages.
Revenons à la légèreté : c’est quoi selon vous ? Si on relit ces exemples, c’est quelque chose qui est bref, sans impact important sur notre sensibilité, quelque chose qui fait du bien à l’affectif tout en étant suffisamment inessentiel pour qu’on puisse en même temps penser à autre chose ?
Voyez comme vont les choses : voilà que je m’embarque à mon tour dans une énumération au lieu de répondre à la question, alors que je devrais réunir toutes ces indications dans un seul concept.

Je propose donc un concept que j’ai forgé ici même voilà bien des années : celui d’effleurement. Entre la légèreté du mouvement et l’effleurement qui suppose le contact, il y plus complémentarité que différence ; on pourrait parler de la légèreté effleurante.

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