Wednesday, May 10, 2017

Citation du 11 mai 2017

Les astrologues n'avaient garde de rechercher une précision qui aurait rendu leur art impraticable ; et ceux qui les consultaient, curieux qu'on leur dît l'avenir, étaient contents, pourvu qu'on leur prédît quelque chose   
Condillac – Traité des systèmes. (1749) ch. 5

(N.B. « Qu’on leur dît » : subjonctif imparfait. Voilà ce qu’on ne dit plus justement parce que la concordance des temps, ça fait longtemps qu’on s’en moque. On cite à ce propos Corneille : « Julie: - Que voulez-vous qu'il fît contre trois? Le vieil Horace: - Qu'il mourût! »
Alors moi, j’attends de notre Nouveau-Président des mesures énergiques et radicales pour restaurer le respect de la concordance des temps)
o-o-o
Au fond la crédulité n’est autre qu’un mécanisme qui nous garantit le plaisir là où précisément il devrait faire défaut. Voilà une généralité, un préalable qui encourage à la lecture de la suite de cette citation.
Maintenant, venons-en à application de ce principe à propos des astrologues. Le désir auquel ils doivent répondre est  de faire connaître l’avenir, mais sans forcément  donner une certitude à propos de son contenu. Disons-le autrement : ils ont à nous révéler que l’avenir est déjà déterminé, sans pouvoir, avec une clarté absolue, soulever le voile qui en cache le contenu.
Et pourquoi cela ? Si l’on veut avoir la certitude que l’avenir est déjà écrit, c’est afin que nous n’ayons nul effort pour le faire advenir, ni même de lutter pour avoir ce qu’on en espère. Comme on dit parfois : « C’est écrit dans le ciel ! », et à quoi bon se battre alors ? Qu’il soit bon ou mauvais, l’avenir sera ce qu’il doit être sans que nos efforts ni nos prières ne puissent y changer quelque chose.
Ce fatalisme est très répandu, au point qu’on le devine corrélé à une conception générale de l’action et non à une religion ou une idéologie particulière. Les stoïciens l’ont très bien montré : les choses se produisent de façon nécessaire sans que nous n’y puissions rien changer : tel est le destin (1). Du coup notre sagesse consistera à comprendre cette nécessité et à faire advenir en nous ce que seule notre liberté peut produire : la sagesse et la vertu.

De nos jours, espérer que l’avenir soit déjà écrit, c’est très mal vu : on considère cela comme une paresse morale, voire même physique, consistant à rester inactif le jour durant, se limitant éventuellement à faire brûler des cierges pour obtenir comme une faveur que le destin nous soit favorable. Ce qui fait que si nous pouvons infléchir le destin en notre faveur, l’échec, comme la réussite, devient significatif. Le jeune paresseux qui va louper son bac en juin va passer pour celui qui n’a pas eu la vertu nécessaire pour obtenir des Dieux un geste favorable…
-------------------------------

 (1) « J’appelle destin (fatum) ce que les Grecs appellent heimarménè, c'est-à-dire l'ordre et la série des causes, quand une cause liée à une autre produit d'elle-même un effet. (...) On comprend dès lors que le destin n'est pas ce qu'entend la superstition, mais ce que dit la science, à savoir la cause éternelle des choses, en vertu de laquelle les faits passés sont arrivés, les présents arrivent et les futurs doivent arriver. » - Cicéron, De divinatione, I, LV

No comments: