Avec
l’automation, qui est à la fois le secteur le plus avancé de l’industrie
moderne, et le modèle où se résume parfaitement sa pratique, il faut que le
monde de la marchandise surmonte cette contradiction : l’instrumentation technique
qui supprime objectivement le travail doit en même temps conserver le travail
comme marchandise, et seul lieu de naissance de la marchandise.
Debord – La société du spectacle (1967),
2 – § 45
Nous sommes
en 1967 : les ordinateurs personnels n’existent pas encore, les robots
sont des machines de laboratoire ou de fiction ; on ne possède pour en
parler que le terme d’« automation », qui définit une théorie étudiant les conditions permettant « l'exécution
totale ou partielle de tâches techniques par des machines fonctionnant sans
intervention humaine. »
(Dictionnaire)
Reste un
problème, encore théorique en 1967 mais dont on devine déjà qu’il sera pressant
dans un proche avenir : on vend des marchandises pour réaliser un
profit ; or la production par des machines ne permet pas de faire de profit,
puisque seul le travail humain produit une plus-value (Comme dit Guy Debord, la
force de travail est la seule marchandise qui soit le « lieu de naissance de la marchandise »).
Cette thèse
était pour les marxistes la preuve que le capitalisme succomberait un jour à
ses propres contradictions. Debord, plus circonspect la définit comme une
contradiction à surmonter (sans doute
au sens hégélien de dépassement dans une synthèse (1)).
Bien sûr la
thèse de Marx suppose qu’on admette que les machines ne produisent pas de
plus-value, ce qui, étant donné les conditions actuelles du marché, et loin de
se vérifier. Mais il y a quand même une urgence à reprendre la question posée
par Guy Debord : c’est celle de la quantité – et surtout de la qualité –
de travail dévolu aux machines. Il y a trop de bras devenus inutiles du fait de
la mécanisation, et ces inemployés ont trop de bouches à nourrir. Si les machines
continuent à se multiplier – et donc si contre la théorie elles continuent de produire
du profit – alors on ne pourra jamais en freiner l’expansion, et il faudra bien
un jour nourrir des gens inemployés non parce que l’économie est mal gérée mais
au contraire parce qu’elle est gérée rationnellement.
Que faut-il faire
devant ce chômage structurel ? Compter sur le progrès qui a jusqu’à
maintenant toujours produit des tâches nouvelles qui échappaient aux
machines ?
Ou s’orienter
vers le malthusianisme, c’est-à-dire limiter le nombre d’homme à nourrir,
sachant que la production des machines ne serait pas affectée par cette
diminution de la population ?
Ou encore
considérer que les biens produits ne sont plus à vendre mais à distribuer – ce
qu’on anticiperait par le revenu universel ?
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(1) Sur l’aufhebung hégélien voir ici
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