J'avais besoin d'un poumon, m'a dit l'arbre: alors ma sève
est devenue feuille, afin d'y pouvoir respirer. Puis quand j'eus respiré, ma
feuille est tombée, et je n'en suis pas mort. Mon fruit contient toute ma
pensée sur la vie.
Gide
– Les nourritures terrestres
Je suis devenu un peu sentimental ces jours-ci : la
fête des mères n’y est pas pour rien. Un petit coup de Nourritures terrestres et tout ça va rentrer dans l’ordre !
Alors, voilà : une plante, c’est comme un corps humain avec
ses organes et ses fonctionnalités. Mais on fait comme si ça n’existait – du
moins pas comme ça.
Suivons Gide :
- La sève,
qui circule dans les vaisseaux de la plante est comme le sang qui circule dans
nos veines. D’ailleurs la chlorophylle éclairée d’une certaine façon prend une
couleur rouge sang (voir ici). Troublant !
- Ensuite,
la feuille qui n’est autre qu’un poumon végétal. L’originalité est que l’arbre privé
de ce poumon, lorsqu’on est en hiver et qu’il est à feuillage caduc, continue
de vivre – ou plutôt de survivre.
- Le fruit
maintenant : Gide passe sous silence qu’avant la naissance du fruit, il y
avait la fleur qui est le sexe de la plante. Sans doute ne tient-il pas à nous
rappeler dans quoi on fourre notre nez quand on hume la rose. Mais bon –
l’essentiel est dans la déclaration suivante – c’est l’arbre qui parle : Mon fruit contient toute ma pensée sur la
vie.
Je ne développe pas le message facilement indentifiable qui
est contenu dans ce passage : le fruit récapitule l’ensemble de la vie de
l’arbre qui n’a existé que pour le produire. « La pensée de l’arbre » est en quelque sorte la synthèse
hégélienne (haufhebung) qui contient
tout ce que la plante a produit pour vivre et également la graine qui contient
la plante qui va suivre. La vie porte la vie.
Gide se prenait-il pour un arbre ? Je ne sais. En tout
cas si tel était le cas, il regardait sans doute ses ouvrages comme étant ses
fruits.
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