Monday, May 01, 2017

Citation du 2 mai 2017

L'homme n'est pas la négation de l'enfant, mais son développement, et malheur à qui veut barrer ce qu'il fut !
Aragon – Le libertinage
Le méchant, (dit Hobbes), est un enfant robuste. (…) Il n'y a sorte d'excès auxquels il ne se portât ; qu'il ne battît sa mère lorsqu'elle tarderait trop à lui donner la mamelle ; qu'il n'étranglât un de ses jeunes frères lorsqu'il en serait incommodé ; qu'il ne mordît la jambe à l'autre lorsqu'il en serait heurté ou troublé.
Rousseau – Discours sur l’origine … de l’inégalité parmi les hommes (cf. ici)

Parmi les opinions les plus banales que chacun colporte sans vraiment se demander ce que ça veut dire, il y a celle-ci : il faut savoir rester le petit enfant que nous avons été – c’est la recette du bonheur, que le « lâcher prise » nous permet de réaliser ; et pour ceux qui n’y arrivent pas qu’ils aillent voir un coach en « développement personnel » – si j’ose dire ! (1)

J’ai beaucoup ronchonné là-contre, mais après tout je suis peut-être passé à côté de quelque chose ? En tout cas, retrouver cette idée sous la plume d’Aragon, ça fait réfléchir !
Toutefois, il faut lire avec attention : il s’agit certes pas de rester en tout point exactement l’enfant que nous avons autrefois été – ni de le redevenir –  mais de devenir un enfant développé. Et bien sûr il ne suffit pas d’imaginer l’enfant devenu grand ayant un corps d’adulte et une psychologie infantile. D’ailleurs, tous ceux qui s’extasient devant cette idée ne parlent que de garder leur « âme d’enfant » – entendez ni leurs passions, ni leurs dérèglements ni leurs excès, que Rousseau énumère complaisamment dans le texte cité (2)
Au fond nous concevons l’enfance comme un état monolithique qui pourrait disparaître tout entier ou être maintenu à condition de rester tout entier également. Pour Aragon, nulle rupture, nulle mutation : c’est progressivement que de nouvelles facultés envies, désirs, etc. apparaissent. Mais sans que pour cela les désirs, envies, capacités, etc. présents chez l’enfant ne disparaissent.
Pourquoi pas ? Mais il se trouve que la mécanique du refoulement de la morale existe et qu’elle nous fait honte si par exemple, devenus adulte, on continue de désirer ce qui nous faisait envie étant enfant. On veut bien être un grand enfant qui se régale de sa crêpe au Nutella ; mais si un homme désirait retrouver sa maman dans la femme qui partage sa vie ?
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(1) J’étais sur le point de me lancer sur les traces de Peter Pan. Et puis j’ai changé d’avis mais les amateurs pourront se reporter à cette description du « syndrome de Peter Pan ».

(2) D’ailleurs Rousseau ne cite ces méfaits que pour les nier : l’homme sauvage qu’il compare à l’enfant de Hobbes, ignore la vertu, certes, mais il n’est pas vicieux pour autant. Juste sorti des mains de la nature il n’est ni bon ni méchant parce qu’il n’a aucune des passions qui viennent de l’état de vie en société.

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