Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les
conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de
spectacles. Tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une
représentation.
Debord
– La société du spectacle, 1 §1
Rappelons que Guy Debord ne s’est pas comme on le croit
parfois livré à une critique de la société qui nous présenterait un monde
superficiel où le star système et les paillettes du Festival de Cannes
constitueraient les valeurs suprêmes.
« Le concept de spectacle se réfère à un mode de
reproduction de la société fondé sur la reproduction des marchandises, toujours
plus nombreuses et toujours plus semblables dans leur variété »
peut-on lire dans l’article de Wikipédia : autrement dit, la société du
spectacle est corrélative de la société de consommation, elle en est même le
stade qui lui est le plus intimement lié. Pour qu’on puisse passer sa vie à
consommer, il faut que tout soit transformé en marchandise, en bien
reproductible et vendable. Du coup on plonge dans le monde de l’apparence, de
l’illusion – donc du « spectacle » – et de l’aliénation.
Alors voilà le maitre mot : il ne s’agit pas de
critiquer le profit et l’exploitation de la vanité humaine. Il s’agit de
dénoncer l’altération de la réalité dans la mesure où celle-ci doit devenir
quelque chose qui peut se vendre et d’abord se reproduire selon les besoins du
marché (exemple : la pureté devient vendable si on arrive à faire croire
qu’elle s’est transformée en eau qu’on peut « produire » et enfermer
dans une bouteille).
On comprend que l’aliénation du « spectacle » ne
concerne pas les besoins fondamentaux de l’espèce : le malheureux
soudanais qui meurt de faim et qui voit ses enfants périr de malnutrition n’est
pas concerné par la marchandisation, pas plus que le migrant qui grelotte de
froid à nos portes
Debord nous parle de l'aliénation qui est devenue inéluctable, parce qu'elle l'était dès le départ, ce qui nous fait comprendre que l’avenir radieux n’est pas pour demain. Je veux
dire : supposez qu’Adam et Eve soient bien sagement restés dans le Jardin
d’Eden : n’auraient-ils pas fini par se disputer et s’envoyer des noix de
coco à la tête? Le Seigneur-Dieu n’aurait-il pas été obligé de créer
Jacques Séguéla et sa force tranquille pour ramener la paix entre eux ?
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