Raison
pourquoi on aime mieux la chasse que la prise.
Le
roi est environné de gens qui ne pensent qu’à divertir le roi et à l’empêcher
de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu’il est, s’il y pense
Pascal – Pensées n°139 Brunschvicg
« Un roi sans divertissement » est un
roi que rien ne vient détourner de la contemplation désespérante de sa nature
humaine ; c’est bien sûr un exemple limite : tout ce qui est vrai du
roi le sera forcément de tous les hommes. Telle est la conclusion de
Pascal : les hommes refusent tant qu’ils le peuvent de voir l’évidence de
leur nature corrompue, qui leur fait honte – mais au lieu d’aller à confesse et de demander
à Dieu la rémission de leurs péchés, ils vont, un peu comme le malade qui
préfère ignorer les symptômes qui manifestent sa maladie, refuser de faire
leur examen de conscience et vont plutôt
rechercher les occasions qui leur permettront de s’oublier eux-mêmes.
Bien
sûr on se doute que cette période de vacance estivale offre une bonne observation
de cela. Car si c’est pour se reposer que l’on part, alors admettons que
beaucoup de vacancier ne font pas ce qu’il faut : même sur la plage, où on
est censé ne rien faire d’autre que s’exposer aux rayons du soleil, on a quand
même le roman à lire, les potins à échanger avec l’amie de passage ou encore le
volley avec les enfants ou les copains. Profiter de ses vacances, c’est
toujours se livrer à des occupations tellement inessentielles qu’on peut revenir
au même en droit chaque année, refaire les mêmes visites sans lassitude, car
aucune trace n’est est restée : le divertissement est consommé dans
l’instant et rien n’en subsiste.
Je
pourrais faire la même démonstration avec les retraités : pas un qui vous
avouera qu’il s’ennuie ; tous vous diront qu’ils sont bien plus occupés
que durant leur vie active, toujours ici ou là, à prendre en charge l’assos’ – ou
les petits enfants qu’il faut chercher à l’école, ou l’apéro de 19h, ou la
marche du samedi matin ou….
Et
alors ? Sommes nous restés, au 21ème siècle, des métaphysiciens
rongés d’angoisse à penser à la destinée de notre âme ? Ne sommes-nous pas
seulement des vivants qui n’existent que dans leur présent – ou dans l’avenir
de leur plaisir – et qui pour cela ignorent tout de ce qu’ils seront plus tard ?
Autres temps, autres mœurs…
Sans
doute, mais cela ne récuse pas l’analyse de Pascal. Simplement nous imaginons
aujourd’hui que l’angoisse existentielle, que nous éprouvons toujours, ne tient
pas au désespoir de déplaire à Notre Créateur, mais seulement à l’impression de
gaspiller la seule richesse qui soit à nous : celle du capital-temps que
dans le quel nous pouvons vivre des instants de jouissance.
Alors
que Pascal rejetait comme également pécheresses
toutes les activités qui n’étaient pas orientées vers notre salut, nous y
faisons bien de la différence. Il existe selon nous des petites âmes, qui se
remplissent d’allégresse à la lecture d’un roman de gare ou en passant la nuit,
bras levés sur le dancefloor de la plage. Et de grandes âmes qui se ravissent
au dernier film conseillé par les Cahiers du Cinéma, ou en découvrant de
nouvelles recettes de plats sans gluten. Mais pour Pascal, tout cela est
identique, car il s’agit simplement d’éprouver de la fierté au lieu d’être dans
l’humiliation devant la corruption de notre âme.
Vanitas vanitatis, omnia vanitas ! N’y a-t-il donc rien à retenir
de ce qui fait notre fierté ?
Si
peut-être : nous découvrir nous-mêmes en faisant l’inventaire de nos plaisirs.
-
Dis-moi ce qui te divertit, je te dirai qui tu es.
2 comments:
On en revient donc a :
https://guerirborderlineetdepression.blogspot.com/2017/08/la-solitude-assumee-de-krishnamurti-ou.html
Amitiés
Merci de votre référence, chère Cheminante, mais je suis complètement largué avec des sources pareilles. A vrai dire je me suis souvent approché de textes comme celui-ci mais je n'y ai jamais trouvé mon compte.
Par contre j'apprécie vos observations pleines d'élan et de tranchant
Amitiés.
Jean-Pierre
Post a Comment