L’avenir est ce qu’il
y a de pire dans le présent.
Flaubert –
Pensées (Compilées par sa nièce Caroline
Franklin Grout en 1914)
Le présent à la différence du passé n’est pas simple. Pas du
tout. D’abord, on ne sait jamais combien de temps il va durer. Sauf quand vous
allez écouter une conférence ou regarder un film, il vous est le plus souvent
impossible de savoir dans combien de temps ce présent-là va s’arrêter. Dans
combien de temps le futur (« Quand j’aurais fini mon travail, j’irai me
reposer ») va advenir.
Mais il n’y a pas que ça : il y a aussi que ce présent
est pétri de passé et de futur. Aucune action – sauf à être machinale – ne
serait possible sans un certain projet qui s’enracine dans une représentation
de l’avenir. Et le souvenir, daté ou non, est là aussi, à chaque instant, soit
pour soutenir l’action (se rappeler des lettres de l’alphabet quand on lit), ou
pour occuper la conscience de réminiscences ou de ruminations. Les ruminations,
voilà notre malheur : non seulement parce qu’elles sont désagréables et
obsédantes, mais aussi parce qu’elle remplissent le présent, proliférant comme
un cancer pour le dévorer au lieu de le soutenir. La punition de la faute est
là, dans le remord qui envahit chaque instant vécu sans aucune espérance de le
voir disparaître.
Maintenant, Flaubert ne dit pas tout à fait cela : il
parle non du passé mais de l’avenir. Il ne se comporte pas ne moraliste mais en
métaphysicien : la destinée humaine est liée à son être. Et son être est
de finir comme il a commencé : en poussière (« Car tu es que poussière et tu retourneras à la poussière ! »
Gn – 3;19). Flaubert est un pessimiste radical. Non pas parce qu’il est obsédé
par notre destinée future, après tout ce n’est pas bien compliqué de savoir que
tout cela finira mal. Mais parce qu’au lieu d’en faire un accélérateur de
jouissance (Rêvons aux fêtes qui nous attendent – quand on poura dire : Nunc est bibendum)
il en fait une cause de désolation. Flaubert à ce qu’il
semble, c’est le monsieur qui, quand il picole pense à la gueule de bois du
lendemain plutôt qu’à l’ivresse charmante du présent.
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