Il faut lire, méditer beaucoup, toujours penser au style et
écrire le moins qu’on peut, uniquement pour calmer l’irritation de l’idée qui
demande à prendre une forme et qui se retourne en nous jusqu’à ce que nous lui
en ayons trouvé une exacte, précise.
Flaubert – Pensées (Compilées par sa nièce Caroline
Franklin Grout en 1914)
Pourquoi écrivons-nous ?
Voilà une question à la quelle j’ai tenté de répondre par le
passé, mais qui revient régulièrement de façon irritante – sans doute parce que
je cherche à expliquer une nécessité dont l’intensité dépasse les mots qui
servent à l’expliquer.
Bref : selon Flaubert, il importe d’écrire le moins qu’on peut ; ce qui
compte, c’est …
non pas la justesse de ce que l’on écrit, pas plus que sa beauté
formelle ni même l’éclat de l’invention poétique. Non, ce qui compte, c’est de
« calmer l’irritation de l’idée qui
demande à prendre une forme et qui se retourne en nous jusqu’à ce que nous lui
en ayons trouvé une exacte, précise ».
On sait par sa correspondance que Flaubert souffrait de
l’effort énorme qu’il devait faire lorsqu’il écrivait, non pas qu’il soit
embarrassé par la production de textes, mais bien que son effort ne se calmait
parfois qu’après avoir produit un nombre prodigieux de pages raturées. A ce
propos, on cite souvent le passage de l’Education
sentimentale et son épisode de la promenade en forêt de Fontainebleau qui
fait 4 pages dans l’édition imprimée et qui dans le manuscrit occupe plus de 70
pages. On imagine facilement que Flaubert était un angoissé qui ne se
contentait jamais de ce qu’il avait produit. Mais en vérité il s’agissait
simplement… d’accoucher d’une idée, et ce faisant de faire cesser les douleurs
de l’enfantement. Flaubert est un écrivain « parturiant » qui ne cherche
pas à se contempler dans ses œuvres, mais simplement à expulser ces représentations
qui grouillent en lui en cherchant la sortie. Et pour les faire sortir, il faut
leur donner une existence ; et pour leur donner cette existence, il faut
les écrire.
Voilà : nous qui ne sommes pas Flaubert (en tout cas
pas moi), nous n’écrivons pas forcément dans les douleurs de l’enfantement,
mais sûrement pour porter à l’existence des idées qui sans cela n’existeraient
pas.
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