Tuesday, December 19, 2017

Citation du 20 décembre 2017

Il faut lire, méditer beaucoup, toujours penser au style et écrire le moins qu’on peut, uniquement pour calmer l’irritation de l’idée qui demande à prendre une forme et qui se retourne en nous jusqu’à ce que nous lui en ayons trouvé une exacte, précise.
Flaubert – Pensées (Compilées par sa nièce Caroline Franklin Grout en 1914)
Pourquoi écrivons-nous ?
Voilà une question à la quelle j’ai tenté de répondre par le passé, mais qui revient régulièrement de façon irritante – sans doute parce que je cherche à expliquer une nécessité dont l’intensité dépasse les mots qui servent à l’expliquer.
Bref : selon Flaubert, il importe d’écrire le moins qu’on peut ; ce qui compte, c’est …
non pas la justesse de ce que l’on écrit, pas plus que sa beauté formelle ni même l’éclat de l’invention poétique. Non, ce qui compte, c’est de « calmer l’irritation de l’idée qui demande à prendre une forme et qui se retourne en nous jusqu’à ce que nous lui en ayons trouvé une exacte, précise ».
On sait par sa correspondance que Flaubert souffrait de l’effort énorme qu’il devait faire lorsqu’il écrivait, non pas qu’il soit embarrassé par la production de textes, mais bien que son effort ne se calmait parfois qu’après avoir produit un nombre prodigieux de pages raturées. A ce propos, on cite souvent le passage de l’Education sentimentale et son épisode de la promenade en forêt de Fontainebleau qui fait 4 pages dans l’édition imprimée et qui dans le manuscrit occupe plus de 70 pages. On imagine facilement que Flaubert était un angoissé qui ne se contentait jamais de ce qu’il avait produit. Mais en vérité il s’agissait simplement… d’accoucher d’une idée, et ce faisant de faire cesser les douleurs de l’enfantement. Flaubert est un écrivain « parturiant » qui ne cherche pas à se contempler dans ses œuvres, mais simplement à expulser ces représentations qui grouillent en lui en cherchant la sortie. Et pour les faire sortir, il faut leur donner une existence ; et pour leur donner cette existence, il faut les écrire.

Voilà : nous qui ne sommes pas Flaubert (en tout cas pas moi), nous n’écrivons pas forcément dans les douleurs de l’enfantement, mais sûrement pour porter à l’existence des idées qui sans cela n’existeraient pas.

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