On sait un latin, ou, plutôt, on fait semblant de savoir un
latin, dont la version du baccalauréat est la fin dernière et définitive.
J'estime, pour ma part, que mieux vaudrait rendre l'enseignement des langues
mortes entièrement facultatif (...) et dresser seulement quelques élèves à les
connaître assez solidement, plutôt que de les contraindre en masse à absorber
des parcelles inassimilables de langages qui n'ont jamais existé...
Valéry
– Variété III, 1936
J’avoue être assez peu passionné par la question de savoir
s’il faut ou non apprendre le latin : passe encore qu’on la pose en 1936,
mais aujourd’hui ça fait bien longtemps qu’on l’a oubliée et avec la langue
dont Valéry disait déjà qu’elle n’avait jamais existé (sic).
En revanche, je suis plus curieux de comprendre pourquoi
Valéry dit qu’il suffirait de dresser
seulement quelques élèves à les connaître assez solidement, car cela
dispenserait la masse de l’apprendre. Est-ce à dire que l’élite permet à la
foule de vivre sans souci dans l’ignorance ? Eh quoi ? Si je n’ai
jamais entendu parler de Virgile serais-je plus heureux si quelque érudit en
connaissait les vers par cœur ? Il faut quand même un minimum de
connaissance pour savoir non pas vers qui se tourner pour apprendre, mais bien
d’abord qu’il y a quelque chose à apprendre.
Arrivé à ce point de la réflexion on est frappé par
l’analogie entre les latinistes de Valéry et … l’usage de l’Internet. On se
plaint de ce que les étudiants (et même leurs professeurs !) font du
copié-collé dans leurs dissertations sans jamais se demander la signification
de ce qu’ils recopient. Un peu comme le fidèle fait ses patenôtres sans savoir
pourquoi il les fait, les connaissances qui circulent sur le Net resteraient
lettres mortes, sans aucun intérêt pour l’usager des moteurs de recherche. Oui,
il y a des cours de physique quantiques donnés en ligne. Et alors ? Si je
ne sais absolument pas de quoi ça parle, pire encore : si après les voir
lus je n’y ai rien compris, leur existence n’est pour moi d’aucun intérêt.
Qu’un virus informatique les dévore : ça ne changerait rien pour moi.
Reprenons le texte de Valéry : malgré ce qu'il en dit, que des
potaches puissent traduire leur version latine pour le bac est quand même assez
prodigieux : car ils peuvent à partir de là avoir une idée de ce qu’il y a
dans les Géorgiques et même comparer le texte latin avec la traduction
française et en tirer profit.
Regardez ça : voilà qui fait envie !
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