Une bonne publicité devrait ressembler à un bon sermon ; elle ne doit pas seulement soulager les affligés, mais elle doit aussi affliger les satisfaits.
Bernice Fitzgibbon - Macy's, Gimbels and me
La question du jour était, je le rappelle : comment donc la publicité fait-elle pour nous manipuler ?
Réponse d’une éminente spécialiste en communication : elle doit associer promesse et menace. Voilà tout. Qu’est-ce à dire ?
Menace d’abord. « Comment, madame Marcelle (1), avez-vous pu laisser s’entartrer la résistance de votre machine à laver ??? Hein ? Quoi ! Vous avez utilisé un anticalcaire sans marque, parce qu’il était moins cher ? Et vous n’avez pas tenu compte de la recommandation du fabricant de votre machine pour l’anticalcaire « Goncal » ? Qu’est-ce que vos voisines vont penser de vous ? Et vos enfants ? Et votre mari quand vous lui présenterez la note du dépanneur ? »
Promesse ensuite. « Madame Marcelle, voyez la chance que vous avez : avec Goncal dans votre machine vous n’avez même plus besoin d’y penser. Plus de débordement à craindre, plus de note de dépanneur. Quand à la consommation d’électricité, je vous laisse la surprise. »
Le décor est planté. Toutefois, l’intérêt de cette citation est ailleurs. Il ne s’agit pas de situer l’impact de la publicité dans le domaine du désir (banal) mais dans celui de la métaphysique (au sens où on parle d’angoisse métaphysique). De même que la religion prend appui sur la faille qui parcourt en secret l’âme humaine (= la mortalité, ou simplement l’impureté), faille qu’il faut élargir si besoin, et promettre de la combler (par la vie éternelle, ou par la perfection narcissique), la publicité doit d’abord susciter la certitude de notre radicale insuffisance dans la mesure où nous sommes inférieurs à nos espérances. D’abord vous vous êtes rêvé ; et puis ensuite vous vous êtes regardé au miroir (de la salle de bain ou de l’attitude des autres à votre égard) ; et là vous avez compris que vous ne pouviez pas être pleinement vous-même … sans l’adjuvant du produit XY. L’essentiel est de susciter cette angoisse et cette espérance. Après si j’ose dire, le plus dur est fait. Il n’y a plus qu’à introduire le produit dans la faille ainsi ouverte.
Maintenant que faut-il penser des pubs où une pin-up montre ses fesses pour faire acheter n’importe quel produit (de la voiture au gel douche) ? Hé bien Bernice Fitzgibbon n’en parle pas, simplement parce qu’elle n’évoque que les « bonnes publicités »
(1) Le prénom a été changé (NDLR)
No comments:
Post a Comment