Tout ce qui est techniquement possible sera nécessairement réalisé.
Gabor - « Loi de Gabor »
Voici la célèbre « loi » attribuée à Gabor.
Pour commencer, un petit coup de chapeau à Denis Gabor, physicien qui en 1948 invente l’hologramme, en réalise quelques images grâce à des interférences lumineuses, bien avant que le laser ne rende cette technique véritablement efficace. On voit que la loi de Gabor a fonctionné pour son auteur au delà de toute espérance.
Maintenant comment interpréter cette loi ? Aucun doute à ce sujet : allez faire un tour sur Google pour voir quel est son emploi : vous la trouverez sur les sites écolo, anti-OGM, anti-nucléaire, anti-clonage, etc.. Bref cette loi énonce quelque chose de menaçant. L’invention des techniques porterait en elle-même la pire des menaces. L’homme par son génie inventif devient l’ennemi de lui-même. Voilà bien des thèmes connus, voire même ressassés depuis des siècles. Seul le progrès fulgurant des techniques au cours du siècle dernier en ont renouvelé l’intérêt.
Observons déjà que la prophétie de Gabor (car sa loi n’en est pas une : sur quelle épreuve pourrait-on la tester ?) porte non pas sur les découvertes de la technique (il ne nous dit pas qu’on en découvrira toujours de nouvelles), mais sur leur utilisation. Aujourd’hui, l’interprétation courante de la Loi de Gabor, nous l’avons vu, est que l’utilisation de certaines techniques est en soi une menace : voyez Jacques Testart, qui préfère abandonner ses recherches en génétique humaine plutôt que de courir le risque, en faisant progresser la science, de faire progresser les possibilités de manipuler le génome humain .
C’est cette interprétation qui paraît inquiétante. Hormis le scandale (pour un homme de science !) de préférer l’ignorance à la science (attitude grosse de toute les dérives obscurantistes, voire même sectaires), nous avons ici l’erreur qui consiste à croire que le développement des techniques est, en lui-même, bon ou mauvais.
Là dessus, voyez Ricœur : aucune invention n’est une promesse ni une menace ; seules les utilisations qu’on en fait le sont. Et je ne résiste pas au plaisir de le citer :
« A chaque époque ce que nous savons et ce que nous pouvons est à la fois chance et péril ; le même machinisme qui soulage la peine des hommes, qui multiplie les relations entre les hommes, qui atteste le règne de l’homme sur les choses, inaugure de nouveaux maux : le travail parcellaire, l’esclavage des usagers à l’égard des biens de civilisation, la guerre totale, l’injustice abstraite des grandes administrations » P. RICOEUR - Histoire et vérité (p. 81-86) - 1955
Que voulez-vous ajouter à ça ?
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