Voyager, c'est demander d'un coup à la distance ce que le temps ne pourrait nous donner que peu à peu.
Paul Morand - Eloge du repos
Parcourir l’espace, c’est accélérer le temps. Ne croyez pas que le génie d’Einstein soit nécessaire pour comprendre ça ; vous le savez déjà, surtout si vous pensez que les voyages forment la jeunesse. L’expérience apportée par une saison à traverser le monde, est identique à l’expérience d’une vie, saisie alors qu’on reste assis sur le seuil de sa porte. Et donc, au lieu d’attendre que le monde vienne à nous, allons vers lui.
Laissons de côté ceux qui ne voyagent que pour retrouver systématiquement toujours les mêmes paysages, les mêmes plages, les mêmes piscines d’hôtels. Que cherchons-nous dans les voyages ? Au retour des vacances, beaucoup répondront : « le dépaysement ». Pourquoi pas ? Mais on voit bien que le dépaysement n’est que la rupture du quotidien, rupture appelée à se refermer ensuite sans laisser de traces. D’ailleurs voyagerions nous si nous étions sûrs de revenir différent ? J’en connais qui répondraient « non ».
Mais surtout, je crains que cette thèse ne fasse la part trop belle à l’information, glanée au cours du voyage et oublie le moment de la compréhension. Car suffit-il de voir pour comprendre ? « Le microscope étourdit l’ignorant » disait Alain, soulignant ainsi que la connaissance ne se crée pas par l’information, mais qu’elle ne fait que s’enrichir par elle. D’ailleurs, c’est tout le problème de la vulgarisation : on peut vous dire « e=mc2 », et même développer un peu la formule. Vous n’y comprendrez toujours rien.
Que disent les philosophes ? Qu’il y a bien des voyages philosophiques, oui ; mais ils prennent du temps.
« Je hais les voyages et les explorateurs" dit C. Lévi-Strauss ; quant à Socrate, on sait qu’il n’a jamais quitté Athènes. Et que le voyage de Platon en Sicile n’a pas été une réussite.
No comments:
Post a Comment